Le Seigneur de l'oreille : Médecine sans frontières
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Le Seigneur de l’oreille : Médecine sans frontières

Une telle brique – 550 pages – fait un joli pavé dans la mare. Sans verser dans l’essai, Jimenez dépeint le milieu médical tel qu’il est, ses espoirs et ses limites.

Une telle brique – 550 pages – fait un joli pavé dans la mare. Sans verser dans l’essai, Jimenez dépeint le milieu médical tel qu’il est, ses espoirs et ses limites. On suit d’abord Sylviane, une femme animée d’une foi quasi inébranlable en la science, depuis son adolescence gaspésienne jusqu’à ses années de pratique à Montréal. Elle qui avait délaissé des études en sciences humaines pour le domaine confortablement rationnel de la médecine va peu à peu déchanter. Témoin de ses consultations autant que des bonheurs et malheurs de sa vie privée, on verra la rationalité toute cartésienne qui la guidait bouleversée par une vie spirituelle naissante. Pour le mieux, bien sûr.

Devant les cas de certains patients, pour lesquels les façons de faire traditionnelles demeurent vaines, Sylviane s’ouvre à la nécessité d’une communication honnête et humaine entre soignant et soigné, dans le respect des héritages culturels. Nécessité aussi d’écouter la petite voix intérieure qui nous conseille, "le Seigneur qui se cache dans l’oreille de chacun" et qui rend certaines intuitions parfois plus valables que les grandes vérités scientifiques. Elle aura besoin d’étancher cette soif nouvelle, recherchant dans le voyage un enseignement qui n’a pas grand-chose à voir avec les livres d’anatomie. Au fil des rencontres, elle emportera en bagage de grands questionnements. "La science occidentale est-elle prête à considérer la complexité et le mystère de l’univers vibratoire?", par exemple.

Il y a beaucoup de choses dans Le Seigneur de l’oreille. Critique en règle de la médecine contemporaine, récit des amours légitimes et adultères de Sylviane, petits et grands drames d’une vie familiale friable, voyages initiatiques, échos du 11 septembre, détachement des idéaux politiques – longtemps souverainiste, Sylviane se détournera de ses convictions, dans un curieux mouvement qu’on dirait proportionnel à ses ouvertures spirituelles. Sans compter les peintures, sur plusieurs pages, des hivers québécois… Des pages longuettes. En somme, un mélange des thèmes et des genres pas toujours achevé.

On retient de ce premier roman l’indéniable bon timing de sa parution, l’écriture généreuse et imagée de Vania Jimenez, qui en fait bien autre chose qu’un essai maquillé; on retient surtout le signal d’alarme sonné à l’oreille de tous les médecins-mécaniciens de ce monde. Mais pourquoi avoir voulu régler le sort de l’humanité entière en un seul bouquin? En littérature comme en médecine, les cas ne se règlent qu’un à un.

Le Seigneur de l’oreille
De Vania Jimenez

Éditions Hurtubise HMH

2003, 550 p.

Le Seigneur de l'oreille
Le Seigneur de l’oreille
Vania Jimenez
Hurtubise HMH