Anthologie de la poésie des femmes au Québec : Libre d'être
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Anthologie de la poésie des femmes au Québec : Libre d’être

Anthologie de la poésie des femmes au Québec
de Nicole Brossard et Lisette Girouard

Soucieuses de témoigner des dernières avancées de la poésie au féminin, Nicole Brossard et Lisette Girouard présentent la réédition d’une anthologie d’abord parue en 1991. Outre l’actualisation des textes existants, 12 jeunes voix ont été ajoutées au concert, portant à 138 le nombre de nos poètes répertoriées.

Dans une introduction substantielle, les auteures identifient les différences formelles et les préoccupations qui séparent Marie de l’Incarnation (17e siècle) de Tania Langlais (née en 1979). Les dénominateurs communs, aussi, ou les réponses données dans le poème à des questions récurrentes. Si le survol de la production ne révèle qu’un courant propre à la poésie des femmes, soit le féminisme, on établit ici une foule de rapports entre le corpus d’une époque et les croyances et valeurs de cette même époque.

L’intérêt premier du poème, pour son lecteur, est sa résonance émotive. Ce dernier sera ici servi, Nicole Brossard et Lisette Girouard ayant privilégié d’abord les textes beaux, faits de musique et d’envols. Mais au-delà de l’émotion, sur et entre les lignes, on peut faire une passionnante lecture de l’histoire des femmes, qui peu à peu s’affranchissent du rôle auquel les hommes et le clergé les ont longtemps confinées. On s’étonne ou s’amuse des attitudes des unes et des autres, à une époque donnée, à l’égard du droit aux plaisirs de la chair, par exemple.

On distinguera clairement des périodes fastes – la poésie des années 20 est impressionnante de modernité -, puis des reculs. Ainsi, entre 1935 et 1945, si quelques-unes faisaient preuve d’une belle ouverture d’esprit (Rina Lasnier, Anne Hébert), la plupart se complaisaient dans des mièvreries poétiques susurrées entre le repassage et les fourneaux. Surviendront Refus global, puis l’effervescence des années 70, décennie où l’intertextualité apparaît flagrante, le formalisme, l’émergence dans les textes d’une homosexualité assumée, les accents plus intimistes des années 80…

Fruit d’un travail sérieux, projet de compréhension mutuelle, ce livre est ni plus ni moins nécessaire à qui veut mieux saisir l’apport considérable des Medjé Vézina, Denise Boucher, Marie-Claire Blais, Nicole Brossard bien sûr, Suzanne Jacob, Hélène Dorion et tant d’autres à "cette énigme qui, née de la rencontre du langage et du sentiment, s’offre depuis toujours comme un espace privilégié où la pensée et l’imagination débordent la convention pour affirmer le vivace, encore". Éditions du remue-ménage, 2003, 480 p.