Les cinq ans des Dimanches du conte : Contes pour tous
L’idée d’instaurer des soirées de contes sur une base hebdomadaire paraissait saugrenue en 1998. Il y avait bien, chaque semaine, des soirées de poésie qui attiraient quelques curieux et fervents du genre et où se glissaient, à l’occasion, certains conteurs. Mais on sentait que ces activités de type cabaret perdaient de la vitesse… et du public. Le conte avait bien son heure de gloire deux ou trois fois par année par le biais d’un festival, d’un Michel Faubert qui se débrouillait déjà bien ou encore lors des soirées de contes urbains d’Yvan Bienvenue, qui a fait un effort colossal en renouvelant le genre et en lui donnant une tribune enviable, faisant entrer le conte au théâtre et même aux Foufounes électriques! Mais tout ça demeurait très ponctuel, jusqu’à ce que Jean-Marc Massie et André Lemelin soient assez fous pour créer les Dimanches du conte à la microbrasserie du Sergent recruteur, boulevard Saint-Laurent. Et ça a marché, marché très fort, et ça marche encore.
Le livre-CD Les Dimanches du conte, marquant les cinq ans de ces soirées et publié chez Planète rebelle (maison fondée en 1997 par le même André Lemelin), témoigne bien de cette réussite. Près d’une vingtaine de conteurs, hommes et femmes, sont ici réunis. Si la moitié a la tête blanche, l’autre est plutôt verte. Certains (Jean-Marc Chatel, Mike Burns ou Denis Gadoury) rappellent les univers folkloriques de la chasse-galerie, d’autres (Yves Robitaille, François Lavallée) se tournent vers un monde poétique, même asiatique dans le cas de Robitaille (il s’agit d’une réflexion autour d’un homme qui rêve d’être papillon, et d’un papillon qui rêve peut-être d’être un homme). Pour quelques-uns, comme Lemelin et Massie, on sent un engagement social et politique. Chez l’un, on descend à travers la forme d’un poème dans l’enfer d’un mineur d’Abitibi, militant et père de famille; chez Massie, on touche à la grande misère, à la défaite et à la frustration dans une forme moderne et complètement éclatée où l’imaginaire délirant se marie au concret "drabe" (on parle bien d’une Pinto beige sur l’autoroute Ville-Tarie) d’une époque pas si lointaine. Et il y a ces remarquables voix féminines (Sophie Wilhem, Edwige Bage, Renée Robitaille et d’autres) pour nous offrir un autre ton, un autre point de vue. Le CD, bien sûr, nous rappelle que le conte est bel et bien dépoussiéré, le ramenant à l’oralité, sa raison d’être.
Les Dimanches du conte, par les conteurs du Sergent recruteur
Éditions Planète rebelle
2003, 159 pages