Origines : Style de vie
Les Éditions Trois-Pistoles ont convié le tonitruant MISTRAL à dévoiler, dans le toujours pertinent espace de la collection Écrire, quelques-unes de ses ficelles. Tissu de vérités…
Il y a quelques années, les Éditions Trois-Pistoles créaient la collection Écrire, dans laquelle des écrivains québécois sont invités à se pencher sur le pourquoi et le comment de leur écriture, à s’ouvrir au lecteur et à le faire entrer dans leur cuisine. Depuis, les Marie-Claire Blais, Suzanne Jacob, Jean-Jacques Pelletier et bien d’autres ont livré leur petite plaquette lime. C’est au tour de Christian Mistral de le faire, lui qui publiait au printemps dernier Origines dans ladite collection ainsi que Vacuum chez Trait d’Union, une transcription des Quotidienneries, son journal, que l’on peut également traverser et suivre en direct sur son site Web: http://pages.infinit.net/mistral/Journal.html.
Une saison sous le signe de la transparence pour l’écrivain, donc, un printemps où le masque a fondu avec les neiges. Car il y a un mythe Mistral. L’auteur s’est fait connaître à 23 ans avec Vamp. Dès lors, on le salua comme l’un des phares de sa génération, déposant pression et orgueil sur les costaudes épaules du jeune romancier qui planchait déjà sur Vautour. Quinze ans plus tard, après une poignée de titres parus ici et là, moult nouvelles semées à tous vents, quelques tubes écrits pour Dan Bigras, Luce Dufault et Isabelle Boulay, un casier judiciaire "aussi long qu’un boa constrictor", Christian Mistral dresse son bilan: Origines.
Un des moments forts du bouquin est cette entrevue truffée de colles, concoctée par ses potes, à laquelle il a bien voulu se prêter en tentant de répondre à des questions comme "Quels seraient les dangers de l’amour du dictionnaire dans le contexte évolutif de ton oeuvre?", ou encore "Comment l’érudition et le populaire se marient-ils dans ton oeuvre?".
Une figure féminine s’y détache, une forte présence qui, souvent, venait murmurer une berceuse à son oreille. Alors, "les lois même de ma nature angoissée isolée désolée s’abolissaient, fondaient comme sucre dans ce chant liquide", confie-t-il. L’origine des origines, c’est la mère. Le livre lui est d’ailleurs dédié et on saisit rapidement son importance puisque entre autres choses, elle lui apprit très tôt à déchiffrer l’alphabet. Dans le dépanneur familial du quartier Rosemont, mini-Mistral fit des unes criantes des journaux jaunes ses "premières nourritures intellectuelles".
Avec sa plume veloutée mais pleine de nerf, un peu rude et texturée, de cette signature qui a aussi les défauts de ses qualités comme de parfois souffler des bulles de style à trop forcer l’élégance, de cette voix singulière, jouisseuse et réchauffée, Christian Mistral trace le portrait de ses années vouées à l’écriture et rien d’autre, sinon aimer et vivre. "Je crois furieusement que personne n’est sur cette terre pour écrire des livres. Il faut vivre dans la joie la plus féroce que nous permet notre tempérament. Seulement, oui, quand un livre est fini, on en commence un autre, jusqu’au dernier hoquet, en essayant de retenir un peu de beauté entre ses doigts, et de ne pas écrire trop de conneries." À mettre entre les mains de tous les aspirants écrivains.
Origines, de Christian Mistral
Éditions Trois-Pistoles, coll. Écrire
2003, 102 p.