Montréal noir : La mort vous va si bien
L’hiver s’en vient, nos soirées se font plus longues, baignées de l’atmosphère sourdant de ce béton refroidi qui scarifie notre île noire. Quand la première tempête s’annoncera, lisez donc le premier texte de Montréal noir, ce recueil publié aux 400 coups. Dans Blanc comme neige, François Barcelo raconte l’histoire somme toute banale d’une dispute dans un couple gai, mais histoire particulièrement comique, la fin se précipitant en une série de quiproquos où l’on voit les morts charriés par la déneigeuse.
Deuxième acte: Xuan, une solitude, de Marie-Claire Blais. L’occasion de jeter un coup d’oeil rétro sur l’été et la faune de la rue Sainte-Catherine. Des ombres érotiques déambulent au milieu de la foule. Xuan, jeune Vietnamienne, subit l’haleine sèche des hommes qu’elle rencontre sur les trottoirs. Le destin noircit sa vie. Mais comment ces jeunes femmes asiatiques en viennent-elles à peupler les rues de l’érotisme, de Ho Chi Minh-Ville à Montréal, en passant par Vancouver, Calgary, Toronto? Un bijou de style.
Avec Un petit service, Chrystine Brouillet nous rend celui de passer un bon moment. Que peut-il bien y avoir dans la tête d’un père taximan qui vient de perdre dans un divorce le droit de vivre avec son fils; quand une femme lui demande d’attendre un instant pendant qu’elle va quérir quelque affaire dans l’immeuble de sa soeur, lui laissant en retour une valise qui se révélera bien vide et un bébé que la mère ne viendra jamais rechercher?
Troisième tableau, moins aimé: La Petite Âme, écrit par André Truand, un maître du genre. Question de goût sans doute, car l’idée est originale: l’âme d’un quidam flottant qui s’extrait de son cadavre pour folâtrer dans le haut Outremont de sa jeunesse et de ses amours passées, dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans Montréal-Nord… Jusqu’à retrouver le meurtrier de son enveloppe charnelle. Elle cherche à comprendre, mais surtout à se retrouver un gîte, un crâne à squatter.
Toujours à Montréal mais plus à l’est, Gilles Pellerin use dans Le Chant de pierres de certains procédés magiques pour faire parler les vieilles pierres. En demandant à notre corps d’en faire l’expertise, d’une façon bien indigeste. Tout un calcul! Rêverie macabre d’un archéologue raté de Pointe-à-Callière…
Bienvenue dans les rues les plus sombres de la Métropole.
Montréal noir
Éd. Les 400 coups
2003, 151 p.