Signé Louise : Lettres à une jeune chanteuse
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Signé Louise : Lettres à une jeune chanteuse

Ces jours-ci, Louise Forestier prend d’assaut la scène du Cabaret Music-Hall (jusqu’au 22 novembre) pour promouvoir son disque Lumières, où elle revisite ses plus belles chansons. Sur papier, la chanteuse de 60 ans nous offre Signé Louise, qui propose des paroles de chansons et des lettres fictives tournant autour de situations cocasses comme douloureuses, qui auraient donné naissance à certaines immortelles du répertoire québécois.

Pour nous tous, Louise Forestier est avant tout indissociable des chansons Lindberg et California et connue pour sa collaboration à L’Osstidcho qui, comme Les Belles-soeurs de Michel Tremblay, a contribué grandement à l’éclatement de la culture québécoise en rompant violemment avec la mère patrie et la religion, investissant plutôt l’américanité, la modernité et l’ouverture aux nouvelles formes: le rock’n’roll et le joual. Si on frôle, dans ce livre, la période houleuse de la fin des années 60, la chanteuse ouvre aussi la porte sur la fragilité intimement liée à la création de ses chansons fortes que sont La Saisie, Pourquoi chanter ou Prince-Arthur.

Elle n’hésite pas à nous présenter l’adolescente "infirme" qu’elle était, éduquée par les soeurs du Collège Marguerite-Bourgeoys. Comment, dans un sous-sol rue Old-Orchard, elle devait retirer ce harnais de cuir et d’acier (un corset orthopédique qui lui soutenait le dos à mesure qu’il menaçait l’usage de ses jambes) dans l’espoir de danser un slow avec l’objet de ses fantasmes. Elle nous raconte comment son père, un violoniste qui l’admirait et la suivait jusqu’à Paris, pouvait l’étouffer. Humblement, elle dévoile certains côtés "diva" de sa personnalité, que l’on assimile à un blindage contre l’indifférence de certains et la méchanceté des autres. Chez elle, la souffrance a longtemps eu un potentiel dévastateur, et si elle fut aussi génératrice de bijoux d’écriture, elle s’en serait probablement passée au profit d’une vie moins angoissante et plus saine. Au détour des missives, on sent la peur de la folie et du suicide qui rôdent près des gens qu’elle aime ou a aimés.

Ce qu’on apprécie surtout dans cette correspondance imaginaire, c’est la réalité qui point. Celle qui frappe les créateurs, incapables d’ignorer le besoin de reconnaissance publique, mais aussi celle des pairs, ceux qui donnent des prix, des bourses et qui blessent parfois par manque de délicatesse ou absence de vision artistique. "La Dame en noir" a une carrière enviable, son oeuvre bien ancrée dans la mémoire collective est là pour en témoigner, et ce, malgré le type de radio et de télévision que notre société a choisi.

Les conditions de vie de nos artistes (la moitié d’entre eux, même s’ils sont très connus, vivent dans la pauvreté) comme les écarts de rayonnement qu’ils connaissent ne vont pas de soi et ont des répercussions graves sur leur vie, sur leurs oeuvres et la diffusion de celles-ci. Louise Forestier, en quelques lettres, touche au problème, à la blessure.

Signé Louise
de Louise Forestier
Éd. du Boréal
2003, 114 p.