Lettre ouverte aux anti-Américains : La part des choses
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Lettre ouverte aux anti-Américains : La part des choses

Jamais, peut-être, il n’aura été de si bon ton de verser son fiel sur les États-Unis. Chroniqueur à La Presse, en poste à New York depuis 10 ans, RICHARD HÉTU tient cependant à rappeler dans son premier essai que si nos voisins du sud ont bien des défauts, ils demeurent le pays des grands idéaux de liberté et de démocratie.

D’abord, un mot sur le titre. L’essai ne se présente pas tant comme une Lettre ouverte aux anti-Américains que comme une réflexion critique à propos de quelques-uns des grands enjeux de société qui se posent aujourd’hui aux Américains. Loin, donc, des prises de positions partisanes et pro-américaines qu’affichait un Jean-François Revel dans L’Obsession antiaméricaine plus tôt cette année, Richard Hétu plaide pour une analyse éclairée et honnête d’un pays qui, s’il fut historiquement capable du pire, le fut aussi du meilleur. "Sous l’avalanche des articles, reportages, commentaires et livres anti-américains, on en vient à perdre le sens des nuances et le fil de l’histoire", écrit-il.

Car qui pourrait nier que les grands idéaux de liberté, d’égalité, de justice et de démocratie qui sont réclamés aujourd’hui par tous les peuples sont nés aux États-Unis? Certes, les États-Unis sont une terre de contrastes et de paradoxes déconcertants, pays se nourrissant tout à la fois de "liberté et d’arrogance, de rudesse et de tolérance, d’ignorance et d’inventivité". Mais là n’est pas une raison pour noircir le tableau.

Hétu note avec justesse la complaisance de la presse américaine à l’égard de l’administration Bush lors de la guerre en Irak (qu’elle est loin, la belle époque des Pentagon papers!), et l’évolution des mentalités dans le dossier épineux de la peine de mort. Il souligne aussi qu’en dépit d’un certain discours religieux fondamentaliste qui sévit aux États-Unis également, quand vient le temps de régler les conflits, "les Américains s’en remettent à leur constitution, et non à la Bible".

On devient toutefois sceptique quand le chroniqueur se montre sympathique, sinon complaisant, envers la présidence de Ronald Reagan, dont le grand mérite serait d’avoir provoqué la chute de l’Union soviétique et contribué à l’avènement de la démocratie dans plusieurs pays latino-américains. On reprochera sans gêne à Hétu de ne pas insister sur le manichéisme de l’ex-président et de passer sous le silence l’invasion de la Grenade en 1983, aujourd’hui reconnue comme un des coups de force les plus dénués de fondement de l’histoire américaine.

Hétu réserve ses véritables flèches pour les tenants de la gauche américaine, Michael Moore en tête, qui doit prendre sa large part de blâme pour avoir contribué à porter Bush au pouvoir en appuyant Nader au détriment de Gore en 2000. Le pouvoir des États-Unis ne pourrait-il pas être utilisé pour le progrès de la planète? s’interroge-t-il en terminant. Si l’on croit encore au rêve américain, on doit répondre par l’affirmative. "Il en va du salut de l’Amérique, qui ne peut mener le monde sans trahir l’idée qu’elle se fait d’elle-même."

Lettre ouverte aux anti-Américains
de Richard Hétu
VLB éditeur
2003, 144 p.