Le Truoc-nog : Prix élevé
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Le Truoc-nog : Prix élevé

Gagner un prix littéraire peut-il être franchement déshonorant? Le Truoc-nog nous présente un peu ce monde à l’envers où un prix important prend une allure de repoussoir chez les écrivains intelligents.

Chaque automne, tout éditeur, auteur et lecteur de livres français spécule sur les possibles gagnants des prix littéraires. Et lorsque les journalistes se mettent à publier la liste des finalistes, qu’ils commentent, eh bien ça devient presque un sport national, dans les cafés ou sur les plateaux d’émissions culturelles, que d’y aller de son mépris, de sa condamnation ou, plus rarement, de son avis positif sur un livre potentiellement gagnant. Un de ces prix-là fait jaser un peu plus que les autres: le Goncourt. Plusieurs l’appellent même le Galligrasseuil (Gallimard, Grasset, Seuil…) pour bien montrer du doigt les limites de la surprise que peut nous réserver ce prix, considéré par certains comme un échange commercial, un jeu de chaise musicale entre gens en conflit d’intérêts qui tirent les ficelles de l’avenir des lettres. Qu’à cela ne tienne, le Goncourt demeure un prix prestigieux qui change la vie d’un auteur. Iegor Gran s’est penché sur la question avec un humour sérieusement inspiré.

Goncourable est sur la liste des finalistes pour le Goncourt, lui qui pourtant est un écrivain qui prend des risques, pas comme Philippe, l’autre, l’éternel finaliste qui, cette fois, est pressenti pour le gagner. Car un prix comme ça, ça se mérite. Faut vivre le stress et l’angoisse quelques fois avant d’être affublé du titre. Faut spéculer à son tour, et passer de la honte au désir. C’est exactement ça, faut le désirer finalement, en rêver, faire miroiter les chiffres (tirages, droits d’auteur, droits dérivés, avances, etc.). Faut compter pour comprendre. D’ailleurs, Goncourable, au fond, c’est une exception comme Proust et Malraux qui, eux aussi, pense-t-il, ont eu le malheur de le gagner. Comme pour eux, son cas est seulement une erreur; vaut mieux en tirer profit, rendu là. Et il est nécessaire, ce prix; d’habitude, il indique les voies littéraires à ne pas suivre pour un jeune auteur de talent.

Bref, ce livre est franchement drôle et il humanise le mythe de l’artiste pur, tout en rigolant de la fausse modestie de certains.

Le Truoc-nog
D’Iegor Gran
Éd. P.O.L., 2003, 157 p.

Le Truoc-nog
Le Truoc-nog
Iegor Gran