L'Homme-ouragan : Viki en Amérique
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L’Homme-ouragan : Viki en Amérique

Que les Vikings aient multiplié les parties de pêche au large des côtes nord-américaines, et ce, quelques siècles avant que l’Espagne de Colomb s’enorgueillisse naïvement d’avoir découvert un nouveau continent, plus personne ne le conteste. En revanche, avancer qu’un fils d’Erik le Rouge soit devenu, au terme d’une téméraire exploration et d’un fabuleux concours de circonstances, le grand Quetzalcoatl, puissant empereur des Toltèques, ça fait davantage froncer les sourcils. À partir de cette prémisse folle mais historiquement plausible, Lucie Dufresne a développé un premier roman qui ne passe pas inaperçu.

Ari, fils de Le Rouge et de la druidesse Grimhildr, est promis depuis sa naissance à un destin extraordinaire. Destin qu’il force un peu lorsque, tout jeune encore, il s’embarque en cachette sur un bateau qui, depuis une colonie viking établie au Vinland (quelque part au bord de Terre-Neuve), va longer la côte vers le sud. Une exploration qui vire au cauchemar: après avoir vu la mort de près sur un océan démonté, Ari se retrouve à la dérive sur une coque éventrée, aux côtés du seul autre survivant de l’équipée, Melkolf, un esclave chrétien qui ne fait que se plaindre depuis qu’on l’a déraciné d’Irlande.

Vous devinez la suite: pour les imberbes Toltèques, peuple du plateau central de l’actuel Mexique, ce naufragé à la barbe rousse flanqué d’un colosse hirsute ne peut être un homme comme les autres. Rapidement promu homme-dieu par ceux qui l’ont recueilli, Ari va réaliser que sa malchance a tout de la bonne fortune. Et si le scénario pourrait être celui d’un film de Disney, on ne peut s’empêcher de penser, comme lecteur, au bien réel et troublant parallèle historique évoqué dans les documents promotionnels de L’Homme-ouragan: à l’apogée de Tollan, capitale des Toltèques, soit vers le tournant du premier millénaire, un dieu conquérant à la barbe rousse aurait bel et bien régné avec faste…

Fort calée en histoire de l’Amérique précolombienne – elle est l’auteure d’une thèse de doctorat sur les Mayas -, Lucie Dufresne n’est pas avare de détails. On découvre, les yeux ronds, la formidable organisation sociale des Toltèques, leur civilisation dont on dirait volontiers qu’elle était alors la plus évoluée du monde, si les sacrifices humains n’y étaient pas chose courante. Les cérémonies sacrificielles, que les deux compagnons observent de plus en plus près au fil de l’ascension politique d’Ari, leur donneront d’ailleurs bien des haut-le-cœur.

L’Homme-ouragan a les défauts de ses qualités, des charmes qui en font aussi les limites. Si on sent bien le projet de mettre de la chair autour de cette incursion fort documentée dans l’univers des Toltèques, 500 pages s’avèrent peu de choses pour intriquer une véritable psychologie des personnages et un portrait de civilisation. Mais on touche là aux limites propres à un genre, celui de la fiction historique, et Lucie Dufresne n’en parvient pas moins à faire résonner en nous son hypothèse, qui ne manque pas d’exciter l’imaginaire parce que vachement crédible.

L’Homme-ouragan
de Lucie Dufresne
VLB éditeur
2003, 528 p.

L'Homme-ouragan
L’Homme-ouragan
Lucie Dufresne