Maudit soit le fruit de ses entrailles (Sambre, volume 1) : Les liaisons dangereuses
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Maudit soit le fruit de ses entrailles (Sambre, volume 1) : Les liaisons dangereuses

"Malheur à celui qui aimera créature aux yeux rouges, car celui-là pleurera, sa vie durant, des larmes de sang." Rendu aveugle par ses propres mains avant de se suicider, Hugo Sambre n’a pas le temps de terminer le livre consacré à sa mystérieuse théorie selon laquelle la couleur des yeux déterminerait l’origine et la destinée des passions humaines. Sa fille Sarah, atteinte par la folie de son père, tentera de poursuivre ses travaux pendant que son frère Bernard s’éprendra de Julie, jolie braconnière aux yeux rouges… Un amour qui plongera la famille dans une suite de tragédies, telles que prédites par le vieil Hugo dans sa terrifiante Guerre des yeux.

Huit années ont passé depuis le drame de la "deuxième génération" des Sambre. Changeant de décor, le cinquième album de la série d’Yslaire s’ouvre à Brest où, sous le règne de Napoléon III, Julie purge sa peine pour les meurtres de Blanche Dessang et du peintre Valdieu. C’est là que l’on retrouvera également le perfide commissaire Guizot, venu proposer à la jeune femme de refaire sa vie en Guyane avec d’autres détenus sélectionnés pour la colonisation. Pendant ce temps, Sarah élève seule le fils de Bernard, le dernier des Sambre, dans le manoir familial dont la tristesse lugubre porte à l’enseignement de la généalogie. Mais le petit Bernard-Marie n’a que faire de la lointaine histoire du clan, davantage préoccupé par l’identité de sa mère que sa tante refuse de lui révéler.

Avec Maudit soit le fruit de ses entrailles, Yslaire gagne le difficile pari de poursuivre une œuvre interrompue il y a sept ans et, de surcroît, maintenant privée de son héros. Car Bernard Sambre, figure romantique tourmentée et rappelant certains personnages de Balzac et de George Sand, a rendu l’âme à la fin du quatrième tome en combattant pour la révolution de 1848. La continuité de la série s’exprime donc avant tout sur le plan graphique, Yslaire reprenant la bichromie rouge et sépia qui faisait la facture unique de cette bande dessinée. Grâce aux techniques modernes de dessin assisté par ordinateur, il obtient un résultat éblouissant malgré quelques effets de filtre qui rendent les images froides, contribuant peut-être à l’ambiance nettement plus pessimiste de cet album. Il faut dire qu’en perdant un de ses amants maudits, l’œuvre, maintenant centrée sur la quête de Julie qui veut retrouver son enfant, est dépourvue de l’énergie passionnelle de ce couple que le destin s’acharnait à séparer mais qui semblait survivre à tout.

Cela dit, l’ellipse de huit ans est bénéfique pour la série: elle implante un nouveau cadre et favorise l’apparition d’un personnage prometteur, cet enfant né de l’unique rapport charnel de Julie et Bernard qui, on s’en souvient, fut consommé dans le mausolée familial des Sambre. Premier volet d’un cycle intitulé "Troisième Génération", la nouvelle intrigue qui avance lentement doit être considérée comme une introduction dans laquelle s’élabore un duel à finir entre Julie et Sarah. De ces deux femmes d’égale force et assoiffées de vengeance, nul ne sait encore laquelle triomphera…

Maudit soit le fruit de ses entrailles
d’Yslaire
Éd. Glénat
2003, 48 p.

Maudit soit le fruit de ses entrailles
Maudit soit le fruit de ses entrailles
Yslaire