Que la lumière soit, et la musique fut : Arpents verts
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Que la lumière soit, et la musique fut : Arpents verts

Dominé à sa naissance par l’idéologie du terroir, le roman québécois ne s’est jamais vraiment détaché de sa prédilection pour les petites communautés refermées sur elles-mêmes, reproduisant à l’infini des modèles fondateurs comme celui du chenal du Moine de Germaine Guèvremont. Même après l’introduction tonifiante de la ville en littérature, les avatars du roman de la terre continuent à prospérer, allant des sagas champêtres d’Arlette Cousture aux reconstructions quasi mythologiques du berceau rural, lieu de tous les drames et de toutes les réconciliations, chez Victor-Lévy Beaulieu.

L’action du roman d’André Pronovost, Que la lumière soit, et la musique fut, a beau se dérouler au 21e siècle dans un patelin fort sympathique, ce dernier est habité par les types les plus convenus du genre comme son curé, son médecin, son épicier, sa vieille fille et son simple d’esprit. Bord-de-l’Eau est une petite commune coincée entre un boisé, le pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul et la rivière des Prairies, de l’autre côté de laquelle se trouve Montréal-Nord, portique de l’enfer urbain où règnent la violence et la pollution. Même s’il serait faux de dire que le temps n’a pas eu de prise sur Bord-de-l’Eau (le féminisme y a laissé sa trace et ses retraités passent l’hiver en Floride), les lieux procurent à ses habitants le sentiment de sécurité que l’on pouvait autrefois éprouver lorsqu’on appartenait à une communauté à l’abri des modes et des catastrophes extérieures. Les nombreuses références à la Genèse dans le livre témoignent de cette nostalgie des origines.

L’intrigue se déroule l’espace d’un été, culminant avec l’épluchette de blé d’Inde du mois d’août à laquelle on aimerait bien voir participer Johnny, le survenant (ou plutôt le revenant) des lieux, qui, après s’être exilé en Californie, mène une existence d’ermite dans l’ancien poulailler surplombant le village, rédigeant jour après jour son essai sur les rapports entre la lumière et la conduite humaine. Johnny sera envahi dans sa solitude par une autre écorchée vive, la jeune Maude, "fille des Étoiles", qui vient de purger ses huit mois de prison pour avoir démoli un fourgon d’incendie. La double métaphore de la lumière et de l’obscurité parcourt ainsi tout le roman, un roman d’amour qui se démarque également par son humour, ses nombreux personnages secondaires bigarrés et l’art maîtrisé de ses dialogues. L’optimisme bon enfant et la morale d’amour universel, adressée ultimement au misanthrope repenti, risquent néanmoins d’agacer plus d’un lecteur.

Que la lumière soit, et la musique fut
d’André Pronovost
XYZ Éditeur
2004, 273 p.

Que la lumière soit, et la musique fut
Que la lumière soit, et la musique fut
André Pronovost