Le Marché des étoiles : Planète Hollywood
Peut-on traiter la culture comme un produit essentiel ou utilitaire? Diversité culturelle: c’est le nom d’un parti politique, un mythe, un virus en développement ou une espèce menacée qu’il faudrait protéger? La culture populaire touche spontanément un vaste public ou n’est-ce qu’une culture "formatée"? Met-on en marché un livre, un CD ou un DVD de la même manière?
Le Marché des étoiles, un essai écrit par un expert des communications, Peter S. Grant, et par Chris Wood, un journaliste qui a été chef de pupitre au magazine Maclean’s, cerne un certain nombre de problèmes relatifs à la mondialisation de la culture populaire. En fait, il s’agit surtout d’un regard canadien sur Hollywood et sur la planète de la télé-série. Mais comme les auteurs n’ont pas une vue de tuyau, ils observent aussi le monde du best-seller et celui des palmarès, créant des liens et décortiquant ce qu’on appelle maintenant l’industrie culturelle.
"Si on insiste pour traiter les produits symboliques de culture comme des produits ordinaires, racontait Chris Wood lors d’une récente rencontre, les résultats seront désastreux pour les individus et pour les producteurs quant à la diversité, et ce, tant pour les consommateurs (diversité de choix) que pour les nations, car la culture n’est pas un luxe. S’il est vrai que la fiction et le roman sont les laboratoires de l’âme, on peut ajouter que la culture populaire est le laboratoire de l’âme collective. Et on en aura de plus en plus besoin à l’avenir." Pour Pierre Curzi, comédien engagé depuis des années dans la lutte pour la diversité culturelle (il est coprésident de la Coalition pour la diversité culturelle), ce livre dont il signe la préface arrive comme une munition: "Je crois, disait-il lors de la même rencontre, que ce livre-là est une arme. C’est l’arme de l’intelligence, qui nous permet entre autres de décoder certains préjugés. Nous sommes toujours en train d’affirmer qu’il faut distinguer les produits culturels des autres, mais encore faut-il que quelqu’un nous le démontre! Un des mérites de ce livre, c’est qu’il fait cette démonstration, de façon convaincante et avec des arguments raisonnables. Il nous permet d’avancer dans la compréhension de la cause que nous défendons."
Concert des nations
Pourquoi est-ce qu’un mauvais film avec Bruce Willis fonctionne parfois mieux qu’un bon film sans Bruce Willis? Grâce à Bruce Willis? Oui mais non. Cet essai prend justement la peine d’analyser en profondeur la mécanique des différentes industries de la culture. S’il compare Hollywood au jeu de la roulette, il explique aussi pourquoi certains joueurs remportent gros et fréquemment. Les auteurs se penchent également sérieusement sur certains cas du monde de la musique, comme celui de Carly Hennessy, jeune chanteuse issue de la comédie musicale Cats qui avait tout pour réussir (le talent et la machine) et qui s’est joyeusement plantée. Le monde des grandes surfaces est évidemment abordé, mais un des points intéressants du livre est qu’il s’avance aussi dans l’univers mystérieux et puissant de la distribution.
S’il ne touche pas directement le monde de la danse, des arts visuels et du théâtre, Le Marché des étoiles reconnaît l’importance de ces disciplines dans l’équilibre de la société et des arts en général. La culture populaire doit s’abreuver quelque part et si Hollywood regorge de tant de talents, il a bien fallu qu’elle vole les meilleurs éléments à d’autres cultures.
Ce livre est un plaidoyer pour la diversité, il démontre la nécessité des voix alternatives et celle de préserver un espace où culture et industrie arrivent à cohabiter malgré certains rapports de force, malgré la mondialisation.
Le Marché des étoiles
de Peter S. Grant et Chris Wood
Éd. Boréal
2004, 594 p.