Ataraxie : Démesure d'hygiène
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Ataraxie : Démesure d’hygiène

Au départ, avant même d’entrouvrir Ataraxie, c’est l’objet-livre qui attire l’œil: froid, de l’exacte couleur du mercure, coiffé d’une tresse rose, luisante, semblant danser dans le vide. En quatrième de couverture, photo de l’auteure comme un négatif nacré sur laquelle celle-ci apparaît en héroïne moderne, en femme techno. En ouvrant le livre, le lecteur tombe sur un mini-CD dans une pochette, des "chapitres flottants" que l’on nous invite à découvrir "avec en bouche un soupçon de menthe, de cannelle ou de gingembre". Karoline Georges, artiste multidisciplinaire, auteure d’un conte pour enfants, L’itinérante qui venait du nord (Leméac, 2003), et d’un premier roman paru chez Leméac en 2001, La Mue de l’hermaphrodite, s’est adressée à nos sens.

Lancé en mars à la Société des arts technologiques, Ataraxie est une fiction déployée à des lieues du réalisme, racontant la quête du sublime d’une narratrice cérébrale et perfectionniste mue par un certain idéal de pureté, obsédée par son accomplissement tant physique, intellectuel que spirituel. Celle-ci a un amant idéaliste qui comprend sa quête et partage sa vision aseptisée des relations humaines: "Dès le départ, nous avions les mêmes exigences. Épilation complète des corps, excepté la chevelure. Pas de bijoux. Aucune consommation d’ail dans les 36 heures précédant une rencontre. Aucun contact, même verbal, pendant la période s’étendant du prémenstruel au post-menstruel. (…) Nous savions nous aimer." Du moins jusqu’à ce que cette dernière fasse un faux pas impardonnable, c’est-à-dire arriver chez son amant avec les cheveux cinq centimètres trop longs, raison pour laquelle celui-ci la livrera aux soins brutaux d’une coiffeuse despote nommée Rosette, qui semble avoir fait du laisser-aller une philosophie de vie.

Écrit dans une langue épurée, logique, frigorifiée, percée de phrases découpées comme des petites mèches ("Que.", "Or.", "Et.") en adéquation avec le personnage de mathématicienne de la beauté, Ataraxie n’est pas de ces romans qui en mettent plein la vue stylistiquement parlant. La grande qualité du livre de Karoline Georges est d’aller jusqu’au bout de son postulat de base, de développer et d’explorer toutes les ramifications qu’il sous-tend. Rien ne lui a échappé, de la pornographie à la recherche du sublime, sans oublier la chirurgie esthétique, évitant toujours soigneusement de sombrer dans le précipice du jugement moral.

Ataraxie
de Karoline Georges
Éd. de l’Effet pourpre
2004, 152 p.

Ataraxie
Ataraxie
Karoline Georges