La Voix du tonnerre : Divine comédie
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La Voix du tonnerre : Divine comédie

Désirant préserver le secret de leur existence, les dieux se résolurent eux-mêmes à l’expropriation de l’Olympe, leur habitat originel, et votèrent en commission la "Loi de la création". Afin de donner une explication aux phénomènes divins, ils induisirent la notion scientifique chez les hommes et durent accorder aux inventions nées de la science humaine des propriétés divines. Comme le rappelle Apollon devant le Conseil des douze: "Nous pensions ainsi avoir trouvé un moyen de protection infaillible. Car, en soulevant une question pour lui rattacher une réponse, la science se borne à un niveau de connaissances dont elle dicte elle-même les limites."

Bande dessinée scénarisée par Martin Villeneuve, La Voix du tonnerre se veut une réflexion fantaisiste sur les rapports entre la science et le divin. Les dieux, apprend-on dans l’album, ont sous-estimé la curiosité humaine et l’intelligence d’une minorité de savants conscients du caractère illusoire de la science. En Irlande, depuis le milieu du 18e siècle, la famille Flurk s’acharne à vouloir prouver l’existence des Olympiens grâce à une machine patiemment élaborée à laquelle chaque génération apporte une contribution, une machine qui vise rien de moins qu’à enregistrer le tonnerre et à le traduire pour avoir accès aux ordres émis par Zeus. Dans les années 20, Kenneth Flurk, dernier représentant de cette lignée de scientifiques, est sur le point d’achever l’œuvre familiale et de décrypter le langage divin. Pour éviter la catastrophe, les Olympiens n’ont d’autre choix que de sortir de la réserve dans laquelle ils vivent depuis des siècles et de se manifester auprès de l’inventeur…

Mis en images par Daniel Svatek, qui signe sa première bande dessinée, l’album s’inspire largement du cinéma expressionniste des années 20. Avec la mode vestimentaire, l’architecture et le design industriel représentant fidèlement cette époque, le graphiste est parvenu à rendre cette idée originale de dieux réduits à l’état de bureaucrates et régnant dans une tour de Wall Street où sont accordés les brevets aux inventeurs et aux inventions de ce monde: du grille-pain à la lampe de poche, en passant par le magnétophone. Le scénario, efficace et dynamique, fait alterner les scènes de huis clos et les extérieurs éblouissants où Kenneth Flurk affronte l’orage. Le résultat, impressionnant, n’a rien à envier aux meilleures bandes dessinées européennes.

La Voix du tonnerre
de Martin Villeneuve et Daniel Svatek
Éd. Les 400 coups
2004, 64 p.