Poésie : Quatre saisons dans le désordre
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Poésie : Quatre saisons dans le désordre

Avec Une écharde sous ton ongle, Louise Dupré présente sept suites de poèmes portant des noms de mois qui arrivent dans le désordre, comme autant d’accidents, ceux que la vie ou la poésie peuvent nous réserver. Ce neuvième recueil (et dix-septième livre) aborde les sujets graves de la mort et de la maladie comme quelque chose de tout près, mais aussi comme quelque chose, quelqu’un, que l’on doit rencontrer: "ne sursaute pas / si je nous crois / maintenant trop vieux / pour la scène / simplement accepte / de rester / vivant".

Cette poésie fuit le drame et la surenchère comme l’un des beaux-arts. Jamais elle ne tombe dans la noirceur ni dans la négation. Économe, elle déniche plutôt la tendresse et l’humour qui se terrent dans un coin chaud, à l’abri du lyrisme comme du hurlement: "je m’accoutume à donner / à tes organes / des noms de crabes / comme si les rivières / crachaient sur toi / leurs eaux rongées / la langue, dis-tu / invente des pinces / à ces bêtises". Pas de superlatifs, donc, peu d’adjectifs, un réel à apprivoiser et des combats à livrer. Dans cette cellule intime que dessine le recueil, tout ce qui s’éloigne de l’essentiel paraît futile. Mais il semble que ce ne soit qu’une étape ("aussi sournoise qu’une abstraction / la vie ne renonce pas / facilement"); que la narratrice rêve presque en silence de redonner aux futilités, ne serait-ce qu’un moment, la place qu’elles occupaient: "je veux succomber / au vacarme des commerces / qui ne cherchent qu’à distraire / les passants".

Un très beau livre, sobre mais des plus sentis.

Héros du souffle
Les motifs qui poussent certains à créer une nouvelle maison d’édition sont parfois douteux, mais lorsqu’on se trouve face à un bon livre qui aurait eu du mal à trouver sa place ailleurs, on se dit qu’il fallait bien la créer, cette nouvelle maison. Avec Furie Zéro, Bâtons, publié chez le jeune éditeur Le Quartanier, nous sommes en présence d’un livre pertinent qui, sans révolutionner le genre, prend une direction qui diverge sensiblement de celles explorées habituellement dans les maisons existantes.

Avec ce deuxième livre, Hugo Duchesne, qui avait précédemment publié L’Écho des salives, un livre intéressant mais au style plus convenu, s’aventure dans une rythmique particulière et risque un parti pris narratif assez audacieux. Avec un "je" féminin emprunté avec succès, il adopte un ton se rapprochant des poètes français Olivier Cadiot ou Christian Prigent, en ce sens qu’il combine recherche formelle et oralité. Le débit s’impose, crée une ambiance et avance un langage, un univers personnel, près du monde de l’enfance tout autant que des jeux plus adultes de la jalousie ou de l’érotisme: "(…) je ne peux faire sans mes planches de bibliothèque / soudain deux jambes s’ouvrent / l’amour / réclame le héros du souffle / le temps d’un premier bolide / je m’en vais promener le prince est tellement précis".

Le livre, à la présentation remarquable, propose une voix distincte, qui expose une relation curieuse mais cohérente entre les émotions et l’identité.

Une écharde sous ton ongle
de Louise Dupré
Le Noroît
2004, 98 p.

Furie Zéro, Bâtons
d’Hugo Duchesne
Le Quartanier
2004, 80 p.

Une écharde sous ton ongle / Furie Zéro, Bâtons
Une écharde sous ton ongle / Furie Zéro, Bâtons
Louise Dupré / Hugo Duchesne