Fontes – poèmes et chansons (1985-2003) : Perce-neige
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Fontes – poèmes et chansons (1985-2003) : Perce-neige

Mistral. Sur d’autres rives, on nomme ainsi le vent sec et violent qui balaie en moins de deux les nuages, promesse d’un soleil têtu. Sur les rives moins azurées de Montréal, le mot évoque un autre vent, non moins fougueux, une tourmente imprévisible qui laisse derrière quelques pots cassés, mais au moins autant de fleurs belles et acidulées.

Les Éditions Triptyque ont rassemblé quelques-unes de ces fleurs, poèmes et chansons réunis sous le titre Fontes. Un livre dans lequel Christian Mistral fait preuve d’une certaine humilité – je sais, le mot prend ici une drôle de couleur -, ou à tout le moins de sincérité, remontant jusqu’à ses écrits de jeunesse, amalgame rebelle et nelliganien de rimes aux charmes surannés. Dans cette première section, l’intérêt est souvent moins dans les mots (il le sait) que dans l’éclairage jeté sur la source principale de son écriture poétique: le romantisme. Même trempée dans les plus féroces émotions et dans une imagerie urbaine fleurant le béton humide, la plume de Mistral conservera toujours un lyrisme certain, de plus en plus poignant à mesure qu’il se déshabille de ses références.

Plus loin, dans une section faite de poèmes publiés en revue, l’écriture est nettement plus personnelle. S’attachant à un genre cru, collé à la vie, Mistral ose, provoque la langue autant que les bonnes consciences, ouvre la porte des ivresses. Ivresses des bars, du verbe ou de la chair, chants d’amour démultipliés… "Je tire des poèmes élastiques / En rafales cinglantes / Qui vont rebondir sur ma cible mouvante / Qui vont se lover en boas pelucheux".

La suite est plus connue. Alors que le Mistral romancier met un à un dans sa poche ceux qui ouvrent Vamp ou Vautour, le parolier transforme ses vadrouilles en des refrains qui feront les plus goûteux succès de Dan Bigras, Isabelle Boulay ou Luce Dufault. On retrouve avec bonheur ces textes ciselés, à cent lieues de ces paroles de tubes qui retombent comme des crêpes sitôt la radio coupée. On en découvre ou redécouvre plusieurs, aussi, autour de la fracture amoureuse bien sûr, mais aussi de l’amitié ou de la prison (irréprochable Y a pas d’poésie en prison). Chacun assorti d’une note sentie de l’auteur de Soirs de scotch, disant tantôt la genèse embrumée de la chanson, tantôt l’étonnant cheminement qui l’a menée à la bouche de son interprète; tantôt encore la déception de la relecture, Mistral se révélant capable de l’autocritique la plus impitoyable.

Qu’il se rassure: au terme de la fonte, entre quelques herbes folles, demeure un fabuleux bouquet.

Fontes – poèmes et chansons (1985-2003)
de Christian Mistral
Éditions Triptyque
2004, 186 p.