Paul en appartement : Scènes de ménage
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Paul en appartement : Scènes de ménage

Poursuivant un projet autobiographique unique dans le domaine québécois, le bédéiste Michel Rabagliati nous convie dans Paul en appartement à l’orée de la décennie 80 et de sa vie d’adulte. Paul, son alter ego, suit des cours de graphisme et commence sa carrière d’illustrateur pendant que Lucie, sa blonde et une des rares filles à aimer la bande dessinée, se lance dans des études en linguistique. Lorsque Paul et Lucie emménagent dans leur premier appartement, ils goûtent à ces aléas qui ponctuent la vie de tout jeune couple, marquée par les relations avec la famille, les amis, les voisins et les commerçants du quartier. C’est dans le même appartement qu’ils vivront le deuil de leur grand-tante Janette et leur premier désir de fonder une famille.

Dans ses précédents albums, Paul à la campagne et Paul a un travail d’été, Rabagliati montrait brièvement certains éléments de Montréal, comme l’appartement familial de Saint-Léonard et le quasi centenaire Roi du Smoked Meat de la Plaza Saint-Hubert où l’amenait son père lorsqu’il était enfant. Le lecteur que ces scènes avaient laissé sur sa faim se réjouira de voir l’action de Paul en appartement se dérouler entièrement dans la métropole, dessinée sous tous les angles. Assurant une continuité dans ce récit d’une centaine de planches, les différents quartiers de la ville sont facilement identifiables grâce à un graphisme plus descriptif que celui des premiers livres, par exemple lorsqu’il s’agit de peindre l’intérieur hallucinant d’un dépanneur ou de faire revivre les défuntes institutions que furent le magasin Warshaw et le Cinéma Parallèle.

À cette géographie urbaine représentée avec une touchante fidélité de détails correspond un véritable catalogue de la culture des années 80 que répertorie l’auteur avec un ludisme évident: des premiers tubes de Culture Club aux films de Marguerite Duras, en passant par la mode new wave et par le soap américain Dynasty. Faut-il rappeler que l’actuelle vague d’autofiction nous a habitués à un moins grand recul? Tant en littérature qu’en bande dessinée (on pensera à Chrisitine Angot, à Fabrice Neaud ou à Marie-Sissi Labrèche), les conflits n’ont généralement pas eu le temps de se résorber, les événements racontés précédant immédiatement le récit, ce qui donne parfois à l’œuvre l’allure d’un règlement de compte. Rabagliati préfère se pencher sur une époque lointaine, façonnant le souvenir, se ménageant également une distance grâce à son trait humoristique. Il en ressort une belle nostalgie que tous ceux qui ont vécu cette époque, à Montréal ou ailleurs, ressentiront à leur tour.

Paul en appartement
de Michel Rabagliati
Éd. La Pastèque
2004, 110 p.

Paul en appartement
Paul en appartement
Michel Rabagliati