Mots d’ailleurs : Manières de voir
Notre pays, c’est beaucoup plus que l’hiver… Pour contredire quiconque oserait en douter, Luc Bureau, géologue, professeur et écrivain à ses heures, a réuni plus de 30 extraits faisant l’éloge du Canada, avec un accent particulier sur la province québécoise. Le résultat de ce collage recherché, c’est ce Mots d’ailleurs – le Québec sous la plume d’écrivains et de penseurs étrangers, un savoureux mélange de textes issus de l’imaginaire (et de la vie) d’auteurs consacrés autant que de voyageurs inconnus. Ainsi, l’illustre Camus y côtoie de près un mystérieux pasteur répondant au nom d’Abel Log, et l’honorable Stefan Zweig partage la vedette avec l’obscur Valbert Chevillard. Mais peu importe la main qui a tenu la plume, car l’intérêt de l’ouvrage est ailleurs, à savoir dans la spontanéité avec laquelle ces êtres livrent leurs impressions sur ce territoire qu’ils fréquentent presque tous pour la première fois…
Impossible de ne pas tenir compte du caractère historique de ce recueil. Les textes présentés ayant été rédigés entre 1850 et 1950 (avec quelques légers écarts temporels qui servent néanmoins bien l’ensemble), le Québec qui y est décrit en est un dont les rues regorgent de tramways, de chevaux et de religieux en soutanes. Le document n’en devient guère désuet pour autant. Maintes questions d’une cinglante actualité parsèment les récits. Bilinguisme, affichage, influence des États-Unis, indépendantisme: les thématiques abordées et les opinions diverses les concernant ressemblent étrangement à celles qui teintent ces temps-ci les discours de nos politiciens…
Précédés de brèves introductions de Bureau, les extraits ont l’avantage de présenter un éventail de genres infiniment variés. Le lecteur passe ainsi d’un traité estimant les capacités reproductives du peuple québécois à un passage de roman mettant en scène des paysans terrifiés par l’annonce du déclenchement de la Grande Guerre! Mais, bien qu’atypique, l’amalgame demeure toujours à la fois harmonieux et captivant. Pleins d’humour, de révolte et de poésie, ces Mots d’ailleurs constituent sans conteste une belle alternative pour quiconque souhaite voir la province avec un regard neuf.
Mots d’ailleurs
de Luc Bureau
Éd. Boréal
2004, 376 p.