Rentrée BD : Bulles d'automne
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Rentrée BD : Bulles d’automne

David B. et Lewis Trondheim sont parmi les figures de proue de cette rentrée BD.

Côté neuvième art, la rentrée est dominée par le géant Dargaud, qui mise beaucoup sur la sortie québécoise de La Belle Province (de Gerra et Achdé), première aventure complète de Lucky Luke à paraître depuis la disparition de son créateur Morris en 2001. Le lecteur avide de nouveautés préférera sans doute les derniers titres de la collection "Poisson Pilote", dans laquelle le même éditeur a réuni les têtes d’affiche de la bande dessinée d’auteur, privilégiant des albums dont la facture narrative et graphique rompt avec les traditionnels courants franco-belges. Plusieurs suites des meilleures séries de "Poisson Pilote" viennent en effet d’investir les sections BD de nos librairies, allant de l’ineffable Inspecteur Moroni de Guy Delisle au romantique Isaac le pirate de Christophe Blain.

Ayant achevé son cycle autobiographique L’Ascension du Haut Mal (à L’Association), David B. livre quant à lui le deuxième tome de ses Chercheurs de trésor, une série influencée par les mythologies moyen-orientales qui permet au bédéiste d’explorer les propriétés allégoriques du dessin par la remise en question des dimensions et des perspectives. L’action de La Ville froide se déroule en l’an 808, à Bagdad, où le Prophète voilé continue à dérober les ombres des êtres humains pour grossir son armée de "dîvs" et s’emparer du trône. Après avoir volé l’ombre de Nasir, fils de la favorite Diya, il devient plus que jamais la proie des Chercheurs de trésor, corporation secrète dont fait partie le sympathique et austère bourreau du calife. Protagoniste de cet épisode, ce dernier découvrira le secret du dangereux mage avec l’aide d’Azraël, l’Ange de la Mort, la confrontation finale étant reportée à un autre volume.

TOMBÉE DE RIDEAU
Auteur phare de la nouvelle BD et cofondateur de L’Association comme David B, Lewis Trondheim aurait récemment annoncé son intention de ranger ses plumes et ses pinceaux. Il met donc un point final aux formidables aventures de Lapinot dans un album à l’ambiance de cène, La Vie comme elle vient. Lors d’une soirée chez Nadia et Lapinot où sont réunis treize invités, dont trois couples sur le point de se séparer, les cartes du tarot annoncent qu’un des membres du groupe doit mourir le soir même. Or, chaque personnage à un moment donné du récit se trouve dans une posture délicate, proche de la mort, l’ensemble de ces situations étant synthétisées dans une fatidique planche muette précédant l’épilogue, lequel rassemble les douze amis restants au cimetière.

Avec ce dénouement qui rend improbable la reprise de la série par d’autres créateurs, Trondheim montre qu’il a retenu du roman graphique le principe du récit qui prend fin, une pratique inhabituelle chez les grands éditeurs de bande dessinée qui préfèrent celle (plus lucrative) de la série inusable. On en goûtera davantage de relire les différents albums de cette œuvre originale où des personnages animaliers vivant dans un Paris de carton-pâte symbolisent les trentenaires de notre époque: penchés sur leurs névroses, effrayés par leurs responsabilités, par la vie de couple et par la mort. Avec leurs scénarios qui s’emballent, leur dose de suspense et de dérision philosophique, Les formidables aventures de Lapinot, maintenant achevées, resteront ainsi une des plus intéressantes entreprises livresques de la dernière décennie.

La Vie comme elle vient
Éd. Dargaud, coll. "Poisson Pilote"
2004, 46 p.

La Ville froide
Éd. Dargaud, coll. "Poisson Pilote"
2004, 48 p.