Rentrée livres – International : Le goût des autres
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Rentrée livres – International : Le goût des autres

Roberto Bolaño, Aharon Appelfeld… Un long voyage les a menés jusqu’à nous. Cordés dans des cartons, venus par bateau ou par avion, voici les arrivages d’outre-frontières.

Pas moins de 700 titres paraissent cet automne en littérature française et étrangère. Les librairies ressemblent à des ruches, les tablettes sont chaudes et les lecteurs… perplexes. Pour que la littérature dite étrangère devienne un peu plus familière, nous vous proposons un panorama de ces bouquins qui méritent votre attention. Survol.

LES CHOUCHOUS
Cinq auteurs-étoiles brillent fort cette saison. Mentionnons tout d’abord trois nouveaux Philip Roth, qui font suite à l’envoûtant La Tache récemment adapté au cinéma, dont La bête qui meurt (Gallimard), court roman provocant mettant en scène un vieux professeur solitaire qui redécouvre sa vulnérabilité à l’âge de 70 ans et voit sa vie chamboulée le jour où il s’éprend de l’une de ses étudiantes.

Autre écrivain-monument, le Chilien Roberto Bolaño fait paraître lui aussi trois titres cet automne chez Christian Bourgois – d’outre-tombe, car il vient de mourir à l’âge jeune de 50 ans. Nous retenons Le Gaucho insupportable, sorte de testament littéraire livré par l’auteur à son éditeur quelques jours avant de passer à trépas.

La sulfureuse et hardcore Virginie Despentes (Baise-moi), dont on peut suivre les états d’âme en direct sur son blogue, rapplique avec un titre qui, à défaut d’être un chef-d’œuvre, promet de décoiffer quelques matantes et de verser son miel anxiogène: Bye bye Blondie (Grasset). Mais au rayon des dames, c’est Hélène Frappat, encore plus que Despentes, qu’il faudra surveiller. Avec Sous réserve (Allia), la jeune philosophe de 34 ans livre sa première fiction, qui n’en est pas tout à fait une, car "Règle numéro I. Il ne doit se trouver, à l’intérieur de ce livre, aucun mensonge. Règle numéro II. Je dois y avouer, sans exception, tous mes mensonges", écrit-elle.

Finalement, il faudra avoir à l’œil l’Américain ténébreux Rick Moody qui, avec À la recherche du voile noir (de l’Olivier), déploie une autobiographie aux frontières poreuses, un livre obsessionnel décliné autour du crime commis par un de ses ancêtres, qui interroge aussi bien son histoire intime que celle de son pays.

LES INCONTOURNABLES
Évidemment, une rentrée sans la traditionnelle plaquette signée Amélie Nothomb n’en serait pas une. Toujours aussi ponctuelle, elle vient de pondre Biographie de la faim que l’on souhaite plus achevé que son précédent. Albin Michel publie également Nous les dieux, d’un autre monstre prolifique, Bernard Werber.

Chez Stock, Christine Angot livre un nouveau titre, Les Désaxés, qui relate l’histoire d’un couple d’artistes parisiens, mais cette fois, la mère de l’autofiction pure et dure délaisse le "je" pour la troisième personne du singulier: controverse à l’horizon. Le même éditeur nous offre un nouveau Joyce Carol Oates, Je vous emmène, moins noir que les précédents, portrait d’une sémillante Américaine avant la révolution féministe.

Du côté de chez Fayard, François Bon publie Daewoo, un bouquin puissant dans lequel il s’intéresse aux conditions de travail des ouvrières de l’entreprise éponyme. Philippe Vasset nage en d’autres eaux avec le troublant Carte muette, bref roman dans lequel il est question d’établir une carte complète d’Internet. Après le très remarqué Tigre de papier, Olivier Rolin réapparaît cette saison avec Suite à l’hôtel Crystal, où les chambres d’hôtel servent de décor à des histoires délirantes. Au Seuil, on surveillera également la fable crue d’Antoine Volodine, Bardo or not Bardo. Premier roman lucide de Matthew McIntosh, 26 ans, Well se déroule en banlieue de Seattle et paraît à la même adresse. Florian Zeller, du même âge, signe son troisième ouvrage avec La Fascination du pire, chez Flammarion, et Hubert Selby Jr., figure majeure de la littérature américaine, salué par Samuel Beckett, Anthony Burgess et Allen Ginsberg et décédé l’an dernier à 75 ans, le sombre et caustique Waiting Period.

Béatrice Leca publie un troisième livre, Aux bords des forêts (Melville), hautement mélancolique et littéraire, une plume qui flirte avec la prose poétique, tandis que l’éditrice Joëlle Losfeld nous propose deux titres de Paula Fox, dont Le Dieu des cauchemars, un roman initiatique qui désarçonne son lecteur par une finale déroutante. Les Allusifs ressuscitent l’unique livre de feu Julian Ayesta, Helena ou la mer en été, subversif, qui évoque plus qu’il ne nomme, mais qui fut tout de même intercepté par les censeurs en 1952. À redécouvrir.

Du côté de la nouvelle, traduit de l’allemand, D’étranges jardins de Peter Stamm paraît chez Christian Bourgois et, aux Éditions de l’Olivier, l’intégrale d’un romancier israélien souvent comparé à Kafka, Histoire d’une vie et L’Amour soudain, d’Aharon Appelfeld.

LES INCLASSABLES
Une nouvelle biographie de Georges Brassens voit le jour chez Albin Michel, Brassens, le mécréant de Dieu, de même qu’une petite perle d’anthologie, Les Poètes et les Puritains, recueil thématique de poèmes et de chansons autour du plus vieux métier du monde réunissant des textes qui vont de Villon à Renaud. Et parlant biographie, Michel Lafon cherche à se mettre au goût (mainstream) du jour avec des briques sur Britney Spears et Robbie Williams, à travers lesquelles le dalaï-lama réussit toutefois à se faufiler avec un livre intitulé Compassion et sagesse.