Lucky Luke: La Belle Province : Bye bye Lucky Luke?
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Lucky Luke: La Belle Province : Bye bye Lucky Luke?

Le cow-boy solitaire est de retour! Pour cette aventure concoctée par Achdé et Gerra, il débarque dans la Belle Province, où l’attendent orignaux et poutine…

– Oh, Robert, c’est pas parce que ta bière brune rend fou que ça te donne le droit d’injurier ma belle blonde!

– Qui? L’orignal enrhumé?!
Ce duel d’insultes a lieu entre une caricature de René Angélil et une caricature de Robert Charlebois à propos d’une caricature de Céline Dion. Nous sommes donc dans la caricature. Ici, on rencontre peu les frères Dalton, comme on ne voit pas du tout le célèbre croque-mort et ses vautours. La raison est simple, le cow-boy est loin de son Texas car il a entraîné son cheval Jolly Jumper et son chien Rantanplan au pays de Gilles Vigneault (que l’on croise d’ailleurs à deux pas de Chez Leclerc, "Au petit bonheur"). Que dis-je, c’est plutôt le cheval qui entraîne le cow-boy car Jolly Jumper est tombé amoureux d’une jument (qui s’appelle Province) lors du Grand Rodéo des frontières dans une ville du Wisconsin. Le point de départ est donc aussi simple que ça: de retour dans l’Ouest, le cheval entre dans un état de lassitude, près de la grande déprime. Voyant son cheval peiné et surtout devenu complètement inefficace, Lucky Luke décide de partir en terre francophone sur les traces de Province, d’où le titre de l’album: La Belle Province.

Laurent Gerra, l’humoriste français devenu scénariste pour la cause, et Achdé, l’illustrateur, se sont rencontrés à la suite d’un "mariage arrangé" par l’éditeur pour s’atteler à un défi de taille: reprendre le flambeau de Morris (décédé en 2001) et poursuivre les aventures d’un de leurs héros d’enfance, Lucky Luke. Ayant fait leurs lectures, les comparses ont décidé de s’inspirer de l’époque qui, pour eux, représente un sommet dans la création des Lucky Luke: la période entre la fin des années 60 et le début des années 70 (La Diligence, pour les illustrations, et La Guérison des Dalton, pour le texte). Laurent Gerra était au Québec quand il apprit la mort de Morris, créateur du cow-boy pour l’Almanach Spirou en 1947. Les premiers albums ont été écrits et dessinés par lui, et c’est à lui qu’on doit cette célèbre expression: "L’homme qui tire plus vite que son ombre."

Avec toute leur admiration pour le père de Lucky Luke, Gerra et Achdé tentent de lui rendre hommage en utilisant les mêmes procédés, dont les calembours, et y ajoutent leur grain de sel avec des caricatures (influence d’Astérix) et des clins d’œil au cinéma. Aussi, comme le cow-boy a psychologiquement beaucoup évolué au fil des ans, le tandem s’est permis de ressaisir le personnage et de le rendre aussi actif qu’à ses débuts, avant qu’il ne devienne surtout un observateur.

Bien sûr, Lucky Luke n’a pas recommencé à fumer. Par contre, autour de lui, ça sacre à bout portant. Criss, tabernak et autres ‘stie parsèment l’album. On aura un peu de mal à se reconnaître dans cette caricature de notre langue, mais l’esprit cordial et festif qui caractérise le peuple québécois dans le livre sonne à peu près juste. Et entendre Lucky Luke dire "Vous êtes un peuple fier de ses racines, attaché à son indépendance: vous avez l’étoffe d’une nation", voilà qui n’est pas banal!

Lucky Luke: La Belle Province
d’Achdé et Gerra
Éd. Lucky Comics
2004, 47 p.