Maxime Mongeon : Cris et chuchotements
Avec Petite, Maxime Mongeon nous chuchote une histoire avec tendresse, sans jugement…
Une adolescente, déjà marquée par la vie, erre dans la ville à la recherche de son amoureux, un drogué dont on sait peu de choses. Sur la trace de Yann, Émilie nage dans des eaux troubles où la vie a moins de valeur que quelques dettes, où les corps se marchandent, où la parole s’échange contre une dose. À travers cet univers glauque où les désirs doivent s’inventer, elle fait face à d’autres visages de la trahison, à d’autres résultats de la blessure, et elle apprend les différentes langues de la révolte. Les sources des problèmes sont complexes et les outils ne sont pas à la portée de tous. Pour un junkie, renoncer à la drogue n’est pas nécessairement plus facile que de refuser de coucher avec son père pour un enfant.
Si Émilie connaissait l’humiliation et les offenses, si elle savait vivre avec la douleur et les cicatrices superficielles, elle rencontre avec Yann sa première peine d’amour. Peu à peu, elle deviendra une femme.
Petite est le deuxième roman de Maxime Mongeon, qui avait fait paraître en 2000 Une seconde d’achèvement, une autre histoire sur les territoires du désespoir amoureux. De ce nouvel opus, on retiendra cette délicatesse de ton, cette tendresse pour les personnages et ce refus de juger. Une poésie se dégage de la prose mais aussi de la structure du roman. Mongeon ne craint pas de morceler l’histoire par des jeux de narration qui se prêtent aux cris et aux chuchotements sans bousculer l’unité du livre. Tout est livré par impressions, et l’on passe facilement des pensées ou poésies d’Émilie au tu et au on d’un narrateur omniscient qui n’ose pas trop en ajouter, retenant larmes et colère sans pourtant afficher une distance. Le narrateur est là, tout près des personnages, mais ne s’autorise pas à jouer des ficelles pour secouer la révolte des actants ou encore tirer trop fort sur les cordes sensibles du lecteur. Il laisse aller son monde selon sa nature au lieu d’en faire un objet spectaculaire.
Il ne faut pas entrer dans ce type de roman avec des attentes. On ne nous raconte pas une grande histoire, mais bien une petite. Comme celles qui se déroulent chaque jour sous nos yeux sans qu’on s’y attarde, sans qu’on s’en rende compte, ou plutôt, sans qu’on en tienne compte. Et on le sait bien, la littérature n’a pas besoin d’une grande histoire comme prétexte pour servir de la qualité. Or, Maxime Mongeon est un auteur de talent et il sait mener un livre sans laisser le lecteur sur le cadre de la porte. On le suit, on le croit.
Ce genre de récit, écrit en catimini, semble ne pas laisser de grandes traces chez le lecteur. Mais il laisse des traces en catimini, de celles qui nous font porter les couleurs et les nuances du roman pendant les jours suivants. On ne pense pas à parler du livre à quelqu’un, comme si l’effet de sa lecture faisait encore son chemin. Comme si le roman était trop atypique pour plaire aux lecteurs habituels de roman, qu’il plairait davantage aux amateurs de récits. Et pourtant, il faut faire confiance aux lecteurs.
Petite
de Maxime Mongeon
Éd. Leméac
2004, 115 p.