Fulvio Caccia : Sculpture gothique
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Fulvio Caccia : Sculpture gothique

Le poète Fulvio Caccia signe La Ligne gothique, un premier roman téméraire mais réussi.

"Il se passe toujours des choses curieuses entre deux lignes", dit un vieillard à Jonathan Hunt, le personnage principal de La Ligne gothique. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y en a des mystères entre les lignes de ce premier roman. Peut-être est-ce les habitudes de poète de Fulvio Caccia qui confèrent au livre cette densité mystérieuse, cette écriture précise qui cultive pourtant un certain flou.

On entre dans ce roman un peu comme on entre dans Le Château de Kafka: avec une impression d’étrangeté. Le réalisme de Caccia impose ses propres conventions de lecture, au risque de perdre certains lecteurs. Les faits réels chevauchent une réalité distordue; le narrateur nous prend par la main pour nous faire traverser des sentiers connus, mais ne craint pas de nous livrer à nous-même au beau milieu de la circulation d’une ville étrangère. Il se joue de nous et de lui, manipulant les directions que nous empruntons, comme il s’abandonne à ses mensonges au point d’y croire suffisamment pour voyager avec ses personnages jusqu’au fond des choses.

En quête de vérités et à la recherche de sa propre identité, Jonathan Hunt entraîne le lecteur dans un voyage aux multiples rebondissements où il ne fait que se découvrir à lui-même. L’histoire de La Ligne gothique (un manuscrit autant qu’un concept) et la recherche d’un ami disparu depuis 10 ans, qui sert de toile de fond, ne sont qu’un prétexte à la quête d’identité du personnage. Qu’un prétexte aussi pour tisser un univers romanesque fascinant.

"À peine un semblant de personnage était-il esquissé qu’un autre lui succédait avec un luxe de détails alimentaires et géographiques. L’action se réduisait à la portion congrue, dévorée par un cyclone onomastique dont l’auteur omniscient usait et abusait", peut-on lire à la page 96. Il s’agit d’une critique formulée par Hunt au sujet d’un manuscrit en cours de publication. Peut-on y lire une autocritique? Ce serait trop facile, car l’architecture du roman est audacieuse et complexe. Et ce livre dans le livre, comme cette sorte de mise en abyme des personnages, suivent une logique singulière qui est tout sauf prévisible. Une fois encore: fascinant.

La Ligne gothique
de Fulvio Caccia
Éd. Triptyque
2004, 153 p.