Fred Pellerin : Sortir la langue
Fred Pellerin étrenne son nouveau spectacle au Lion d’Or.
Entré en conte au tournant du millénaire, Fred Pellerin a une feuille de route déjà fort chargée. Pourtant, tout semble avoir commencé bien fortuitement pour cet ancien guide touristique dont la modestie n’a d’égale que le talent. "J’ai dérivé vers le conte sans m’en rendre compte, explique-t-il. Je n’ai jamais aspiré à cette forme d’artisanat, assez méconnu en réalité. Je ne savais même pas qu’on pouvait en vivre et ça fait six ans que je ne fais que ça. Chaque jour, je suis surpris de la tournure que ça prend." Colporteur de légendes, fabuleux porte-voix d’histoires "vraies" recueillies auprès de sa grand-mère ou au dépanneur de Saint-Élie-de-Caxton, son village natal, Pellerin transmet un sincère amour des mots et donne un souffle nouveau au conte traditionnel.
De cafés en bars, d’écoles en festivals, de bouche à oreille, la réputation du conteur ne cesse de s’étoffer. En plus d’avoir suscité un véritable engouement, ses deux premiers spectacles (Dans mon village, il y a Belle Lurette et Il faut prendre le taureau par les contes!) ont été prolongés par de superbes livres-disques publiés chez Planète rebelle. Chroniqueur radio à Indicatif présent, il a également livré de savoureuses capsules linguistiques à La Poudre d’escampette, sur les ondes de Télé-Québec. Des projets plein la tête, le jeune homme de 27 ans garde les pieds sur terre devant le succès. "Je sais que ça peut s’arrêter n’importe quand. Si c’est le cas, j’ai d’autres idées. Je reste impliqué dans la vie de mon village et j’aimerais un jour donner un cours à l’université sur la littérature orale. L’oralité possède une noblesse, une richesse qu’il faut cueillir parce que c’est très éphémère. Toute notre culture est assise là-dessus."
Trouvant écho bien au-delà des frontières du village de 1200 âmes où il est né et qu’il habite toujours, ses histoires ont mené le jeune homme en France, en Suisse et en Belgique. D’un spectacle à l’autre, Pellerin construit tout un univers, des aventures qui s’entrelacent et mettent en scène une galerie de personnages aux proportions quasi mythologiques. "Là, ça commence à avoir une profondeur tripante. Depuis mon tout premier conte, j’ai les mêmes neuf personnages. Les membres de cette microsociété commencent à avoir du volume. C’est peut-être ça qui distingue mon univers. Le fait que tous mes contes forment un seul conte, une espèce de surhistoire."
HOMME FORT
À une époque où l’art est soumis à la puissante hégémonie de l’image, le conteur semble bien téméraire de s’engager dans l’arène. "Les gens peuvent s’en faire des images, estime Pellerin. Ils en ont assez de se faire mâcher toute l’affaire. Moi, je ne fais que suggérer, pour faire pousser un village dans les têtes." Entreprenant un nouveau pèlerinage dans ce microcosme de la Mauricie qu’il imagine si bien, le "conteux" étrenne actuellement son plus récent spectacle sur la scène du Lion d’Or. Avec Comme une odeur de muscles, il rend hommage au légendaire Ésimésac Gélinas, l’homme le plus fort du monde de Saint-Élie-de-Caxton. "Au Québec, il y a une grande tradition d’hommes forts. À l’époque, la race canadienne-française était réputée pour sa force. Chez nous, les vieux parlent des hommes forts avec un certain respect. Je trouvais ça intéressant, cette fascination pour la force, une puissance souvent amplifiée par les yeux de ceux qui en sont témoins. Je fais donc un spectacle sur les tours de force d’un homme qui n’a forcé qu’une seule fois parce qu’il avait de bonnes idées et voyait les affaires différemment." Voir le monde autrement, voilà une précieuse vertu que le conteur partage hors de tout doute avec son personnage.
Les 22, 23, 27, 29 et 30 octobre
Au Lion d’Or
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