Gilles Vigneault : Au pied de la lettre
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Gilles Vigneault : Au pied de la lettre

Une fois encore, Gilles Vigneault montre tout ce qui échappe à l’œil de celui qui presse le pas.

Les chemins de pieds, ce sont les sentiers qui traversent les villages, dans ce "pays de l’enfance" visité souvent par Gilles Vigneault. Des chemins qui se jouent des règles habituelles, passant s’il le faut sur le terrain du voisin, "entre sa maison et son jardin". Des chemins libres comme le vent, qui font un titre parfait à un livre pluriel, mélangeant allègrement les genres.

Pensées, contes, poèmes, pages de journal, bribes de mélodies, chansons inédites, il y a de tout dans Les Chemins de pieds, ce joyeux fourre-tout qui s’inscrit dans la lignée de Bois de marée (1992) et de L’Armoire des jours (1998). Indirectement inspirés de l’almanach, celui qui traînait dans la maison familiale et qui a nourri les premières lectures, voilà des textes qui cadencent la vie et ses temps forts. "C’est une démarche d’almanach, oui, avec l’intention d’intéresser tout le monde. C’est commercial! Terriblement commercial!" s’exclamait récemment le poète lors d’une rencontre de presse. "Mais dans le mot commercial, poursuivait-il finement, il y a le mot commerce, et dans le mot commerce, il y a commercio, c’est-à-dire "échange"."

Tout ça est pêle-mêle mais organisé, comme l’atelier d’un artisan qui se retrouve parfaitement dans son désordre. "Tous les livres de cette série ont une charpente. L’Armoire des jours était divisée en sept jours; ce livre-ci est divisé selon les saisons d’une vie. D’abord il y a la saison des jouets, puis la découverte des livres. Ensuite, il y a les voyages, qui comprennent les tournées de spectacles, et enfin la section "Envoye à la maison!", comme dirait Jean-Pierre Ferland."

À la lecture, c’est inévitable, on entend la voix de Gilles Vigneault. On entend tout ce qui nous ravit, nous épate, ce qui nous agace aussi. L’homme de la terre qui fait gentiment la leçon à l’homme de la ville, en outre. Mais on entend surtout, à travers les inquiétudes de l’auteur devant son époque folle de vitesse, un réel humanisme, et cette idée tenace du mot comme chemin pour aller vers son semblable.

On remarquera dans l’ensemble une grande sobriété, plusieurs textes étant épurés jusqu’à ressembler à des haïkus. Puis il y a tous les jeux formels auxquels s’adonne encore le poète pétri de versification classique, mais qui produisent parfois des lignes sans âge, quand par exemple le vers de cinq pieds se conjugue à la thématique des départs en général et de la mort en particulier: "Je ne sais quel vent/J’aurai dans ma voile/Je ne sais quel jour/On m’appellera/Mais en attendant/Je taille ma toile/Je marche à l’étoile/Sans compter mes pas."

Les Chemins de pieds
de Gilles Vigneault
Nouvelles Éditions de l’Arc
2004, 220 p.