Christophe Blain : Un homme à la mer
Bédéiste prolifique, Christophe Blain est l’un des talentueux poulains de l’éditeur Dargaud délégués au Salon du livre de Montréal.
Son univers graphique a beau nous transporter aux confins du monde et du temps, Christophe Blain met passablement du sien dans ses livres. En 1991, ce dessinateur français au trait nerveux et impressionniste a passé la durée de son service militaire à bord d’un navire où il a partagé la vie de matelots de profession. L’expérience lui a non seulement permis de retrouver la fascination des bateaux de son enfance, "apparue lors d’une première visite au Musée de la marine de Paris", elle devait profondément marquer son œuvre future. Édité en 1994 chez Albin Michel, Carnet d’un matelot propose un récit réaliste de son exaltant périple en mer, sans oublier les tâches ingrates, la discipline et la promiscuité que comportait la vie militaire.
Après un séjour sur une base scientifique de l’Antarctique en 1997, qui donnera naissance à un Carnet polaire cette fois, Blain se consacre à la bande dessinée à temps plein en intégrant le cercle des artistes fondateurs de L’Association. En collaboration avec ceux-ci, il crée deux premières séries (Hiram Lowatt & Placido avec David B., Donjon Potron-Minet avec Lewis Tronheim et Joann Sfar) sur lesquelles il travaille toujours. Paru en 1999 dans la collection Aire Libre de Dupuis, Le Réducteur de vitesse est une œuvre plus personnelle. Dans cet amusant huis clos, deux volontaires, un océanographe et un écrivain, s’embarquent sur un bâtiment militaire où ils côtoient des marins plutôt frustes: "Ça ressemble évidemment aux situations que j’ai connues. J’ai toujours essayé d’imaginer comment aurait été ma vie si j’avais été un homme d’action plus rude."
La série Isaac le pirate que Blain crée en solo part du même motif autobiographique mais transposé au 18e siècle, période d’importants progrès techniques, du développement du commerce maritime et du phénomène de la piraterie. Dans le premier tome, le peintre Isaac Sofer est recruté par un capitaine dont le vaisseau bat pavillon noir pour immortaliser les aventures de son équipage. Attiré par les retombées que cette offre aura sur sa carrière, Isaac s’embarque en abandonnant à Paris la belle Alice, sa fiancée. Survivant à une expédition périlleuse, il décide de rentrer chez lui à la fin du troisième album. Moins exotique mais tout aussi endiablé, le quatrième et dernier livre nous ramène donc à Paris où le héros tente de retrouver Alice: un Paris d’Ancien Régime, plus nocturne que diurne, dont les façades élégantes et les ruelles labyrinthiques sont propices aux cambriolages, aux combines dans lesquelles trempera Isaac. Christophe Blain s’y révèle influencé par les gravures du 18e et 19e siècle, admettant avoir "un dessin assez rétro".
Également présent à Montréal pour la sortie prochaine du deuxième album de Socrate le demi-chien, série sur fond d’Antiquité qu’il a créée avec Joann Sfar, Blain, qui s’est montré peu loquace durant notre entretien, dit préférer travailler seul: "C’est plus difficile mais plus exaltant. Les scénaristes avec lesquels je travaille sont mes copains les plus proches. C’est un jeu de dessiner avec eux. De temps en temps, ça repose." Comment juge-t-il son travail d’illustrateur dans cette nouvelle série construite autour du duo formé par Héraclès et le chien parlant Socrate? "Le dessin est plus décontracté que dans Isaac. Il y a moins de décors, l’architecture des pages est moins exigeante, moins dense, ce qui permet un dessin plus libre. Alors que le premier album était une suite de commentaires et de petites tranches de la vie d’Héraclès et Socrate, le prochain offrira une aventure d’un seul tenant resserrée autour des deux personnages principaux et d’Ulysse." Ce même Ulysse qui, comme par hasard, est l’emblème mythique par excellence du marin…
Séries en cours de Christophe Blain dans la collection Poisson Pilote de Dargaud:
Isaac le pirate
Socrate le demi-chien (scénarios de Joann Sfar)
Hiram Lowatt & Placido (scénario de David B.)