François Chabot : Lecture des lieux
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François Chabot : Lecture des lieux

La Mort d’un chef de François Chabot poursuit le rêve d’un chef de réserve qui désirait mettre en mots la mémoire de son  peuple.

La Mort d’un chef

raconte l’histoire d’un chef innu à la veille de sa mort. À travers son regard, ses idées sur la tradition et les mœurs ancestrales, l’auteur brosse un portrait de la communauté innue d’Uashat (Sept-Îles), prise entre la perte de son identité et les problèmes que lui pose la vie sédentaire.

Avec sa voix légèrement rauque, qu’on imaginerait aisément formuler quelques paroles gutturales, François Chabot noue ses premiers liens avec les Innus alors qu’il est métallurgiste dans le Grand Nord. C’est ensuite comme enseignant en anthropologie à Sept-Îles qu’il va continuer à côtoyer les communautés innues de Betsiamites et Uashat. "Lorsque j’ai voulu m’installer quelque temps à Sept-Îles, une crise du logement m’a finalement amené à accepter l’invitation de mes amis innus à venir vivre avec eux dans la réserve pendant deux ans", raconte-t-il. Quelques années plus tard, c’est après son départ du Cégep de Sept-Îles, où son franc-parler ne faisait, semble-t-il, pas l’unanimité, mais surtout lorsqu’il apprend la mort de son ami grand chef de la bande de Sept-Îles qu’il décide de se lancer dans la rédaction de son premier roman.

Après un mémoire de maîtrise sur le pèlerinage de Saint-Anne-de-Beaupré, si François Chabot a opté pour un premier roman plutôt que de faire une enquête ethnographique, c’est qu’il souhaitait une plus grande liberté d’expression et faire un récit vivant qui sorte des données figées des études universitaires. "Mon roman est basé sur une ethnographie qui est devenue une fiction, parce que l’ethnographie n’est plus suffisante pour dire les choses réelles", ne craint-il pas d’affirmer. L’auteur mentionne également que "les Indiens sont [s]es amis, [qu’il n’a] jamais cherché à faire d’enquête sur eux" et que c’est pour ça qu’il a choisi de parler d’eux à travers un récit susceptible de faire parler l’humain. Avec le risque d’en dire trop même parfois, l’auteur sachant pertinemment que son roman ne va pas lui attirer la sympathie de toute la réserve.

Outre une vision assez réaliste de la vie quotidienne et des problèmes vécus dans les réserves, le roman de Chabot offre à travers son personnage principal un témoignage puissant sur la conscience éclairée d’un chef dont la part d’influence diminue, mais ne peut complètement s’éteindre. Un certain espoir et une poésie indéniable se dégagent aussi de ce texte où la mythologie innue transparaît sous forme d’animaux allégoriques, de rêves et de songes en constante interférence avec la réalité.

À l’heure où les traditions semblent compromises, il importe d’établir un lien fort avec les générations futures. C’est du moins l’idée à laquelle le grand chef était arrivé, et à laquelle Chabot a essayé de faire écho dans un premier roman prometteur.

La Mort d’un chef
de François Chabot
Éd. Triptyque
2004, 108 p.