Les Désaxés : Affaires internes
Avec Les Désaxés, l’auteure de L’Inceste nous conduit dans les méandres d’un couple rongé par la maladie psychique et la névrose.
Christine Angot
, qui écrivait dans L’Usage de la vie (Éd. Mille et une nuits) que "l’écrivain aime la vérité qui fait mal autant que les cons la vérité flatteuse", n’ira sans doute pas se contredire avec ce nouveau roman où elle nous fait côtoyer les affres de l’incompréhension et les rapports exacerbés d’un couple pourtant incapable de se sentir amoureux.
François et Sylvie Minière sont mariés depuis dix ans. Ils vivent à Paris, ont deux enfants, une fille et un garçon, peu d’amis, beaucoup de connaissances, et travaillent tous les deux dans le cinéma. François fait vivre la famille en réalité, car Sylvie, elle, a de sérieux problèmes psychologiques qui lui occasionnent des séjours à l’hôpital. De tendance maniacodépressive, elle navigue entre des états euphoriques et des retombées sombres, durant lesquelles elle semble prendre plaisir à saborder ce qu’elle a et qui compte le plus pour elle, à savoir son entourage proche.
Si le roman, à première vue, ressasse un peu trop les mêmes éléments – la dépression de Sylvie, la névrose de François, les mêmes remarques incessantes, les crises, les réconciliations, la séparation, l’impossibilité de prendre des décisions, et finalement cet enfer où les personnages sont enfermés comme dans un huis clos -, c’est qu’il a pour dessein de nous maintenir dans l’obsession et la névrose de la maladie psychique. Les rapports tumultueux du couple et les répercussions sociales de leur difficulté à former ensemble ce "nous" qu’ils perdront au bout du compte composent un jeu relationnel dans lequel demeurent toujours un vainqueur et un vaincu. Les personnages parviennent finalement à s’extraire de leur étau, mais on aurait peut-être préféré une autre issue que celle un peu tiède où se réalise la menace de séparation maintes fois formulée dans le roman.
Avec une puissance de mots indéniable, une écriture incisive et sans détours, Christine Angot nous propose une fois de plus un roman où le malaise et "la vérité qui fait mal" occasionnent soit une réticence immédiate, soit le désir d’embarquer dans ces histoires de vie dont on tirera peut-être quelque réconfort à se dire qu’elles se passent loin de chez nous…
Les Désaxés
de Christine Angot
Éd. Stock
2004, 210 p.