Jean Dufaux et Philippe Delaby : La croix et l'épée
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Jean Dufaux et Philippe Delaby : La croix et l’épée

Jean Dufaux et Philippe Delaby inaugurent le deuxième cycle fort attendu de La Complainte des landes perdues, BD-culte des années 90.

Sorcières de la première génération ayant conservé leur puissance originelle, les Moriganes se sont réfugiées sur L’Eruin Duléa, contrée insulaire qu’elles assombrissent de leur présence et dont elles dévorent occasionnellement les habitants. Les Chevaliers du Pardon, qui ont juré de se consacrer sans répit à leur extermination, entreprennent de chasser l’une d’entre elles sur les terres de Dylfel au milieu des landes. Dirigés par Sill Valt, ils investissent le château du seigneur au moment où se prépare le mariage de l’héritier des lieux, Lord Eryk, avec la belle Diane de Hartwick. Dans l’univers dangereux où se déroule la quête de cette austère confrérie, l’épée tranche et la croix absout.

Après une tétralogie achevée en 1998 et consacrée au clan des Sudenne, Jean Dufaux propose un deuxième volet de La Complainte des landes perdues dont l’action se situe une génération plus tôt. L’histoire de famille et la lutte intérieure entre le bien et le mal y font place à un combat épique entre les forces antagonistes qui habitent l’île. On retrouvera Seamus, mentor de Sioban dans le premier cycle, que cette plongée dans le temps transforme en jeune chevalier au cœur pur qui seul peut affronter la terrible sorcière installée à Dylfel. Scénariste à succès, habile à maîtriser la tonalité de l’heroïc-fantasy, Dufaux continue son exploration de l’imagerie d’un haut Moyen-Âge mythique où s’affrontent les restes de croyances païennes et la chrétienté naissante.

Apportant une toute nouvelle facture visuelle à cette œuvre, Philippe Delaby a pris la relève au pinceau de Grzegorz Rosinski, choix étonnant et judicieux qui s’éloigne des habituelles transitions en BD lorsqu’un nouveau collaborateur est choisi pour sa capacité à imiter le trait du précédent. Aux lignes brutes, nerveuses mais séduisantes du créateur de Thorgal succède donc le dessin léché et plus réaliste d’un Delaby, connu pour les magnifiques illustrations de la série Muréna (péplum de Dufaux racontant l’accession au pouvoir de Néron). Le choix de la monochromie et de la technique de la couleur directe (essentiellement de l’aquarelle) à laquelle s’est astreint le nouveau dessinateur confère une ambiance de tableau vivant à cet univers violent et privé de soleil. Une histoire envoûtante dans un album d’une grande maturité graphique.

Moriganes (La Complainte des landes perdues, tome 5)
de Jean Dufaux et Philippe Delaby
Éd. Dargaud
2004, 56 p.