Pierre Monette : L’accompagnement
Pierre Monette nous offre le récit des derniers mois passés auprès de Diane, celle qui partageait sa vie.
Difficile de parler de ce livre avec une distance clinique. Le récit est si touchant qu’on ne regarde plus ses qualités ou ses défauts littéraires. Ça peut aussi être ça, un bon livre: un livre qui nous fait oublier l’acte de lire, un récit dont la forme est si efficace qu’il nous entraîne immédiatement, sans résistance, à l’essentiel, dans l’intimité d’un couple et l’humilité d’un corps.
Un mardi 24 septembre, Diane, une femme dont on se prend d’affection dès les premières pages, une femme autour de 50 ans qui fume comme d’autres mordent dans la vie, une femme qui est la compagne de l’écrivain nous rapportant l’histoire, Diane, donc, apprend qu’elle va mourir bientôt. Deux jours plus tard, elle sait concrètement que son cancer est déjà généralisé et qu’il ne lui reste, non pas deux ans, mais que quelques semaines pour dire adieu à ses proches et régler des détails qui prennent soudain de l’importance.
Dernier automne ne cache pas les moments difficiles ou moins beaux que vit quiconque accompagne un être cher dans la mort, mais il dégage une certaine sérénité, une forme d’acceptation, et surtout, il montre comment nous nous tournons malgré nous vers ce qui reste, et tentons de saisir la beauté de l’éphémère.
Bien sûr, les premières motivations qui ont poussé l’auteur à l’écriture de ce livre n’étaient pas littéraires, mais la forme que prend ce récit l’est tout à fait. Pierre Monette, qui publiait son premier recueil de poèmes aux Herbes rouges en 1978, démontre un réel souci d’écriture. La structure du livre est impeccable, les phrases sont bien tournées (certaines sont de vrais bijoux) et beaucoup de matière passe à travers cette relation et cette épreuve. Jamais le livre ne tombe dans le pathos – on dirait que cette caractéristique non seulement répond aux règles qu’a dû se fixer l’auteur, mais témoigne également du devoir de réserve et de renoncement que se sont imposé Diane et Pierre.
Je ne connais pas l’ancien chroniqueur du Voir, comme je n’ai jamais rencontré sa compagne, et j’ose déjà les nommer familièrement par leurs prénoms. Le livre appelle ça, on a l’impression de les connaître et de traverser, du moins en partie, ces quelques semaines avec eux. Jamais, non plus, Monette ne donne des conseils ou des leçons de vie; il a évité complètement ce genre de pièges. Mais malgré tout, on apprend beaucoup, ça nous renvoie à nous-mêmes. À travers les réactions singulières des protagonistes, on ne peut que se projeter dans différentes éventualités ou encore revivre de douloureuses expériences passées. L’important, c’est d’articuler tout ça. Le livre fait réfléchir, précisément parce que son auteur n’a jamais la prétention d’avancer des recettes ou des méthodes et qu’il provoque notre propre questionnement. Impossible de ne pas anticiper, et impossible, dans les jours qui suivent la lecture de l’ouvrage, de regarder les arbres ou ses chats de la même manière qu’avant.
Dernier automne
de Pierre Monette
Éd. du Boréal, 2004, 211 p.