Hervé Fischer : L’avantage numérique
Hervé Fischer prédit une totale métamorphose du septième art grâce aux avantages offerts par la technologie numérique.
Avec seulement 15 % des films produits, le cinéma américain accapare pas moins de 90 % des recettes mondiales de cette "industrie", la seconde en importance pour l’exportation aux États-Unis. Pourtant, si l’on en croit Hervé Fischer, le nouvel âge d’or cinématographique qui point à l’horizon sera tout sauf hollywoodien. D’ici dix ans et suivant un courant déjà amorcé, les cinématographies nationales prospéreront, les salles indépendantes et de répertoire rouvriront leurs portes (y compris dans les régions éloignées), et les festivals alternatifs se multiplieront, faisant la part belle aux nouveaux avatars du documentaire, du film d’auteur et du cinéma engagé. Tout cela à cause de l’émergence de la production mais surtout de la distribution des films en numérique, qui permettent de réduire les coûts tout en maintenant la qualité, démocratisant le cinéma.
Plusieurs se sont montrés surpris en apprenant que Fischer, ce philosophe des nouvelles technologies, publiait un livre sur le cinéma. Pourtant, son nouvel opus apparaît comme une illustration concrète du Choc du numérique, un essai qu’il consacrait en 2001 aux enjeux de la cyberculture. Nourri de multiples sources et citant des intervenants aussi différents que George Lucas, Daniel Langlois et Jack Valenti, Le Déclin de l’empire hollywoodien est un ouvrage richement documenté sur le médium sans doute le plus fascinant que nous ait donné le 20e siècle. Après avoir rappelé son histoire en lien avec les progrès technologiques, l’auteur questionne le fait que seul son mode de distribution n’ait pas évolué depuis près de cent ans.
Car si les majors hollywoodiennes utilisent dorénavant le numérique pour la production de leurs films, par exemple lors du montage et pour les effets spéciaux, la distribution, elle, se fait encore sur les bonnes vieilles bobines de 35 mm, un support désuet qui se détériore rapidement et qui coûte cher à produire et à transporter. C’est que le 35 mm est aussi le dispositif sur lequel l’empire hollywoodien a érigé son contrôle de la distribution mondiale, empêchant les autres films d’être présentés au public grâce, entre autres, au système du "blind" et du "block booking", qui impose aux cinémas de louer des films de série B pour obtenir les bobines d’un nouveau film-événement de série A, exerçant ainsi un pouvoir déterminant sur le calendrier des salles de cinéma.
Fischer s’intéresse ainsi à la prolifération actuelle des circuits indépendants et des salles équipées d’un projecteur numérique, mais aussi aux politiques nationales qui vont dans le sens d’un investissement massif dans le numérique un peu partout dans le monde: en Europe, en Chine, en Inde, en Amérique du Sud et au Canada. Les "mammouths hollywoodiens" ont tout à craindre de la concurrence offerte par ces nouveaux réseaux de distribution qui changeront le menu offert aux spectateurs, assurant une plus grande flexibilité dans la programmation des salles et favorisant les cinémas nationaux de pays émergents, de même que le doublage et le sous-titrage dont les coûts sont réduits avec le numérique. Voilà le "bon côté altermondialiste du numérique" prophétisé par Fischer et dont les cinéphiles de ce monde devraient se réjouir.
Le Déclin de l’empire hollywoodien
d’Hervé Fischer
VLB éditeur, coll. "Les champs de la culture"
2004, 166 p.