Stéfani Meunier : L’art de la fugue
Stéfani Meunier présente un deuxième livre et premier roman qui raconte le parcours d’une jeune femme séduite par un chanteur vieillissant.
L’histoire de L’Étrangère se déroule surtout à l’écart de la ville, loin de la méchante Montréal qui, paraît-il, occupe trop de place dans l’univers des jeunes romanciers québécois. Essentiellement, la géographie des lieux n’a pas tellement d’importance dans ce roman où les protagonistes errent autant autour du pot que de bar en bar, car la jeune narratrice tente surtout de s’habiter elle-même sans se jouer de jeu. Même lorsqu’elle demeure plusieurs jours sans sortir de chez elle, à l’orée d’un bois, on sent que l’entreprise fait partie d’un processus et qu’elle n’est toujours pas fixée ni établie. Fuir sur place ou ailleurs ne demande peut-être pas la même énergie, mais si l’avancée semble plus spectaculaire dans un cas, la paix intérieure n’a pas fait un pas, peu importe la direction de la fuite.
On a donc affaire à une jeune femme qui, un soir de grisaille et d’alcool fort, approche dans un bar celui qu’elle nommera inlassablement le vieil artiste. Celui-ci est un chanteur dont la carrière n’a jamais "levé" malgré quelques mélodies qui jouent encore ici et là (au P’tit Bar, sans doute). Autour de sa tête, qui accuse quelques durs coups, flotte une aura de mystère. C’est peut-être ça qui attire notre jeune femme, fascinée par Monique Leyrac (elle ne la nomme pourtant jamais), qui n’a pas l’habitude de flirter avec les hommes que la vie a longuement visités. Mais ce soir-là, elle se prend pour une autre, elle joue avec ses peurs, ses règles, ses routines. Elle enchaîne les verres (ça, elle savait déjà le faire) et couche d’autres vers (là, elle se surprend!) avec le vieil artiste. Succéderont à cette soirée une série de rencontres oscillant entre l’amitié et l’amour, où les personnages se dévoileront tranquillement, montrant discrètement leur attachement l’un à l’autre. À travers leurs comportements et leurs paroles, se dessinent leurs origines et leur relation avec leur passé, leurs racines, leurs points d’attache. Le vieil artiste a voyagé, pas elle. Mais les deux fuient, à leur façon, et à travers cette rencontre, s’écrit un roman d’apprentissage.
Si le roman manque certainement de relief, il a l’indéniable qualité d’entraîner le lecteur dans l’errance, pourtant assez banale, des personnages. Le tout est assez bien écrit, on suit les péripéties de cette espèce de crise que vit la narratrice, et ce, malgré ses découvertes ou réflexions, simplistes et déconcertantes de naïveté, sur la vie en général, sur l’univers des bars et celui des aventures. Les passages sur la séduction sont exaspérants de superficialité, mais peut-être est-ce seulement parce qu’on y reconnaît trop le genre de personne décrite. Même impression concernant la fascination pour les artistes, des plus stéréotypés. Stéfani Meunier n’a pas tout réussi avec son premier roman, mais plusieurs de ses qualités d’écrivaine me disent qu’elle rebondira un jour de manière plus convaincante.
L’Étrangère
de Stéfani Meunier
Éd. du Boréal, 2005, 160 p.