Patrick Senécal : La peur du vide
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Patrick Senécal : La peur du vide

Patrick Senécal, auteur qui se cache derrière les thrillers horrifiques Sur le seuil, Alyss ou Le Passager, est invité d’honneur thématique du 26e Salon du livre de l’Outaouais (SLO). Frissons garantis!

Dès le début de l’entretien, il tient à souligner l’importance de cette invitation pour lui. "La littérature que j’écris, qui est quand même assez noire, a été longtemps considérée comme faible, n’étant pas prise au sérieux. Il y avait une reconnaissance envers Stephen King, mais les gens ne savaient même pas que ça se faisait ici. Là, j’ai comme l’impression d’être un peu le porte-parole de la littérature de genre – l’horreur, la science-fiction ou le policier par extension -, et j’ai le goût de dire à ma gang de chums écrivains de ce genre-là: "Regardez, on est enfin pris au sérieux"", explique Patrick Senécal. Il est d’autant plus content d’être convié au Salon que le thème de cette année – De la plume à l’écran – touche sa seconde passion, le cinéma, lui qui a vu son roman Sur le seuil (1998) adapté au cinéma par Éric Tessier et qui travaille présentement à l’écriture du scénario de 5150, rue des Ormes (2001) avec ce même réalisateur. Robert Morin (Le Neg’), lui, s’est intéressé aux Sept Jours du talion (2002), qu’ils co-scénarisent ensemble. Deux projets qui devraient être déposés sous peu. "Je suis content qu’on associe les deux formes d’art dans le cadre d’un salon. Je trouve absurde qu’on considère parfois le cinéma comme ennemi de la littérature, parce que les gens écouteront toujours plus de films qu’ils liront de livres, ne serait-ce que pour des raisons pratiques et physiques. Un film tiré d’un livre peut aider le livre, ce serait idiot de se priver de ça!"

Patrick Senécal se défend bien de ne vouloir faire que de la littérature de pur divertissement: "La littérature, surtout à cause des milieux universitaires, a été longtemps vue, et l’est encore par plusieurs personnes, comme tellement noble qu’on ne peut s’y amuser. Elle doit être compliquée, profonde", remarque celui qui enseigne la littérature, le cinéma et le théâtre à l’université depuis une dizaine d’années. "On appelle ça de la paralittérature, terme que je trouve extrêmement méprisant."

Si l’auteur se garde bien de ne pas changer son style romanesque, il avoue avoir appris de son expérience avec le septième art. "J’ai appris à faire en sorte que mes personnages vivent leurs émotions, qu’ils ne soient pas que dans l’intériorité. C’est tellement facile en littérature d’aller juste dans la tête des personnages que parfois, on oublie de les faire réagir à différentes situations…"

Son dernier roman, Oniria, lancé l’été dernier, est encore au top des ventes au Québec. "Oniria, c’était le repos du guerrier, c’était comme une récréation après un livre comme Les Sept Jours du talion, qui m’a énormément demandé émotionnellement, qui m’a obligé à aller aux barricades, qui était plus heavy. De tous mes romans, c’est sûrement le plus ludique, le plus léger, même s’il est bien violent", explique Senécal, qui écrit déjà son prochain livre, qui a pour titre provisoire Le Vide et qui est prévu pour 2006. "Pour ce roman, j’avais envie de parler de la manipulation des foules. Le titre évoque un peu le vide existentiel… Je suis très inquiet de cette absence de motivation, d’idées, propre à notre société. Les seules affaires qui rallient les foules dans les dernières années, ce sont des insignifiances. D’abord, on ne s’intéresse plus à la politique. On a plus de chances de rallier des foules en fermant une radio à Québec qu’en faisant une loi épouvantable ou en coupant dans les services sociaux. […] On vit nos vies par procuration. Nous sommes à la recherche de sens, mais on le cherche partout, dans les trucs extrêmes, par exemple, et je trouve cela inquiétant…"

Lors du SLO, Patrick Senécal prendra part aux tables rondes L’Art de faire peur (16 mars) et Romancier ou scénariste? (le 19), alors que l’illustrateur Tristan Demers traduira en images une histoire d’épouvante sortie tout droit de la tête de l’auteur le 19 mars à 19 h 30. Des séances de dédicace sont également prévues tout au long du Salon.

Oniria
de Patrick Senécal
Éd. Alire
2004, 300 p.