Asuka Fujimori : Crimes organisés
Asuka Fujimori est japonaise, mais elle écrit dans un français truculent des histoires à la fois cruelles et charmantes. Dans Mikrokosmos, elle s’inspire de la vie d’un "héros" de l’histoire japonaise.
C’est à nouveau porté par un franc écrire grivois et argotique digne de l’Hexagone que le Japon d’Asuka Fujimori réapparaît dans Mikrokosmos. Dans ce deuxième roman, l’auteure de 27 ans situe cette fois son histoire quelque part entre la première moitié du 20e siècle et les époques des grandes dynasties.
Assurément, Fujimori maîtrise son art, mêlant cocasserie et mythologie, pans d’histoire et narration anecdotique. Elle campe ainsi ses personnages dans une sorte de roman total où, s’ils avoisinent parfois la caricature, ils n’en sont que plus sympathiques. L’auteure montre de la dextérité dans sa manière de faire cohabiter plusieurs genres, incluant même des définitions de dictionnaires encyclopédiques en début de chapitre. Elle semble ainsi nous livrer une partie de ses propres sources d’inspiration, tout en favorisant la compréhension d’une œuvre qui comporte sa part d’érudition.
Mikrokosmos romance la vie d’Hitoshi Soga, "héros" japonais ayant réellement existé, né à Tokyo en 1892 et mort en 1945 à Hiroshima. Appartenant à la lignée des Soga, famille autrefois célèbre, Hitoshi est le fils unique d’un ferblantier et d’une mère insatiablement volage jusqu’à ce que la mort emporte son époux dans les tranchées de la guerre du Japon, en Mandchourie. Hitoshi et sa mère ne sont pas riches, mais c’est malgré tout sur les bancs d’une grande école du pays, puis à l’Université Impériale, que l’enfant fait un parcours scolaire exemplaire. Son intelligence hors du commun lui fait finalement embrasser une carrière universitaire. Lui permet aussi, mais par d’autres voies, de s’allier à la prestigieuse famille Mitsubishi, dont il a charnellement conquis l’une des héritières à la préadolescence.
Avec Nekotopia, un premier roman paru en 2003, Asuka Fujimori avait séduit grâce aux aventures "hilarantes et horribles" d’une petite fille tueuse de chats. Elle récidive ici dans le même créneau, celui d’une horreur et d’une cruauté subtilement annoncées. En effet, on ne peut taire que derrière le style cocasse et la narration plaisante de cette auteure, c’est le monstrueux qui fait parler de lui. De fait, Hitoshi Soga (le réel, le vrai) aurait été l’un des plus grands criminels de l’histoire japonaise, assassinant par différentes tortures plus de 600 fillettes. Il s’agit donc bien d’un roman microcosmique, puisque l’on y côtoie le plus petit et le plus grand de l’humain dans une oeuvre délicieusement iconoclaste, surprenante et audacieuse.
Mikrokosmos
d’Asuka Fujimori
Éd. Flammarion
2005, 401 p.