Jacques Flamand : Les plumes de la fierté
Jacques Flamand peut enfin souffler, il vient de faire paraître son second ouvrage collectif, Écriture franco-ontarienne 2003. Il en profite maintenant pour faire le point sur la situation de la littérature franco-ontarienne.
Faisant suite à Écriture franco-ontarienne d’aujourd’hui, qui rassemblait en 1989 les écrits de 32 auteurs franco-ontariens, Écriture franco-ontarienne 2003 chapeaute cette fois 55 auteurs, pour un total de 200 textes de fiction, dont des textes inédits. "C’est un peu comme une photographie aérienne d’un moment donné, 2003 dans ce cas-ci, un portrait de ce que représentait la littérature franco-ontarienne à ce moment", assure Jacques Flamand, qui a codirigé le collectif avec l’écrivain Hédi Bouraoui. "C’est aussi en quelque sorte le témoignage d’une littérature qui est minoritaire, mais qui existe et qui est vivante, et qui est aussi bonne qu’une autre littérature de la francophonie mondiale."
Ainsi, 15 années se sont écoulées depuis la dernière publication, la première de ce genre en Ontario français. "On peut parler d’une littérature franco-ontarienne depuis une trentaine d’années seulement. Avant cela, il n’y avait pas assez d’auteurs. Maintenant, il y a des maisons d’édition, il y a l’Association d’auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF) [qu’il a fondée en 1988], il y a deux revues… Il y a plus d’activité sur le plan littéraire, on enseigne même la littérature franco-ontarienne dans certaines universités", note Jacques Flamand, chercheur, traducteur et écrivain qui habite dans la région de la capitale nationale depuis 1966.
Aussi, parmi les auteurs qui ont manifesté leur désir de participer au projet, nous comptons, entre autres, Marguerite Anderson, Estelle Beauchamp, Hélène Brodeur, Céline Forcier, Maurice Henrie, Gilles Lacombe, Michel Ouellette, Danielle Vallée, pour ne nommer que ceux-là. À la demande de la directrice générale de la maison d’édition, quatre auteurs de calibre se greffent à la liste, soit Jean-Marc Dalpé, Patrice Desbiens, Robert Dickson et Daniel Poliquin. "Il est clair qu’ils sont des poids lourds; ce sont quatre exceptions qui contreviennent à l’esprit de notre collectif, celui de faire appel aux auteurs dans un esprit de collaboration. Mais je suis quand même heureux qu’ils soient là, ç’aurait fait un vide sinon." Une exception a aussi été faite pour l’auteure Évelyne Voldeng, décédée tragiquement en 2002, qu’on a incluse dans le collectif malgré le fait que celui-ci présente des auteurs vivants et actifs. "Elle m’avait déjà soumis des textes avant son départ et c’est aussi une façon de lui rendre hommage", constate Jacques Flamand.
En général, monsieur Flamand se dit très optimiste quant à la situation de la littérature franco-ontarienne, qu’on n’a plus "à défendre". Il ajoute que le véritable enjeu se trouve du côté de la diffusion du livre. "À mon avis, il y a trop de livres publiés! Nous sommes tout juste 25 % de francophones dans le Canada, et 40 % des livres envoyés par les éditeurs au Conseil des arts du Canada pour les Prix du Gouverneur général sont francophones. Et c’est pas comme s’il y avait des dizaines de milliers de lecteurs de littérature réguliers au Québec ou en Ontario. Il n’y en a pas assez, et des lecteurs, ça ne se fabrique pas sur commande. On est dans une société de l’image; c’est plus facile de regarder des images qui défilent sous nos yeux que de lire un livre. C’est une entreprise collective, mais on manque d’argent pour l’éducation, on manque d’argent pour les bibliothèques. En Ontario, on a supprimé les postes de bibliothécaires, c’est terrible!" constate Jacques Flamand, cofondateur des Éditions du Vermillon, qui faisait paraître Quand éclate la pierre, un recueil de ses poèmes de 1986 à 2004, en janvier dernier.
"Les éditeurs sont comme des mendiants. Tout ça serait impossible sans subventions publiques. Et même avec ces subventions, on travaille d’arrache-pied, bénévolement, dans ces maisons d’édition. Les subventions sont, à mon avis, à la fois un bien et un mal. On est subventionnés en partie en fonction de la quantité et en partie en fonction de la qualité. Alors, on est incités à faire en sorte que les subventions ne diminuent pas, à maintenir le rythme et à publier, même si c’est trop. En moyenne, la vente d’un livre au Québec s’élève à 300 exemplaires. Le public ne suit pas", se désole Jacques Flamand.
L’homme souhaite enfin que cet ouvrage soit un autre outil de promotion de la littérature franco-ontarienne et qu’il trouve sa place sur toutes les tablettes des bibliothèques publiques, universitaires, scolaires et privées.
Écriture franco-ontarienne 2003
Sous la direction de Jacques Flamand et Hédi Bouraoui
Éd. du Vermillon, 554 p.