Irène Némirovsky : Peinture de guerre
Écrivaine française des années trente, Irène Némirovsky est déportée et meurt à Auschwitz en 1942. Suite française est son œuvre ultime; elle met en scène la fuite de Paris et l’invasion par les nazis d’un petit village du centre de la France.
Irène Némirovsky est née à Kiev en 1903. Fille unique d’une famille juive bourgeoise, elle quitte la Russie pour la France avec ses parents lors de la Révolution de 1917. En 1929, après avoir déjà fait paraître quelques nouvelles dans des revues parisiennes, elle publie un premier roman chez Grasset. Elle y raconte l’histoire d’un magnat juif de la finance internationale qui décide, pour aider sa fille ingrate et frivole, de reconstruire sur le tard sa fortune défaite. Une dizaine de romans – entre autres écrits – suivront, confirmant la notoriété de Némirovsky dans le milieu littéraire français. Son univers fourmillant de personnages souvent non loin de la caricature, notamment de Juifs affairistes détestables, et de portraits sociaux subtilement critiques, lui vaudront autant l’appréciation de Kessel, lui aussi Juif, que de Morand, Cocteau et même Brasillach, monarchiste et antisémite pour sa part, mais qui parlera de la grande qualité de sa prose.
Avec l’arrivée de la guerre et du nazisme, Irène Némirovsky doit à nouveau fuir. Elle se réfugie en province avec son mari et ses deux filles. Repoussant tous les jours la peur de la déportation et en attente d’une fin de guerre qu’elle ne connaîtra jamais, elle continue malgré tout à écrire. Suite française est cette œuvre ultime à laquelle elle travaillait lorsqu’en 1942 elle est arrêtée puis déportée vers Auschwitz, d’où elle ne reviendra pas.
Prévu initialement en quatre épisodes, le manuscrit de Suite française, tel que récupéré et caché durant la guerre avant d’être retranscrit et publié par la fille de l’auteure, en contient finalement deux achevés: Tempête en juin et Dolce. Le premier raconte la fuite de Paris et l’autre, l’occupation par les Allemands d’un petit village de la campagne française.
En mêlant l’art de l’anecdote à la fois sociale et historique à des touches de caricature, avec une tonalité à la fois lucide et sarcastique, Irène Némirovsky fait une visite intérieure de la guerre, à travers les coulisses de ces foyers français, de familles riches et moins riches, surprises par les aléas de l’histoire, et dont elle avait appris avec son regard d’observatrice étrangère à scruter les mystères.
Récompensé du prix Renaudot 2004, remis pour la première fois à titre posthume, Suite française est un testament littéraire et social d’immense facture ou l’on se laisse porter par une écriture à la fois descriptive et subversive. À classer parmi les livres importants du siècle passé.
Suite française
de Irène Némirovsky
Éd. Denoël
2004, 440 p.