Judith Cowan : Des mots discrets
Judith Cowan, Trifluvienne d’adoption récipiendaire d’un Prix du Gouverneur général en 2004, participera au Salon du livre. Elle animera une activité spéciale de la Société d’étude et de conférence de la Mauricie.
Au loin, devant la façade du Zénob, se dresse une silhouette longiligne. Judith Cowan, vêtue d’une veste de cuir et d’une jupe délicate, attend sous un soleil étincelant. Puis, après les salutations d’usage, la discrète écrivaine atterrit devant un thé vert infusé comme il se doit. Le temps s’arrête alors pour laisser toute la place à la littérature.
En sortant deux livres de son sac, la jolie dame semble vouloir faire oublier sa présence. À chacune des questions posées, elle réfère à l’objet de papier, à ses mots, à ses phrases. Aucun raccourci n’est possible. Il faut entrer dans l’univers de Judith Cowan par la grande porte. Ainsi, lorsqu’on la questionne sur sa présence au Salon du livre de Trois-Rivières, on obtient le minimum, soit le maximum de ce qu’elle peut dire sans mettre de l’ombre sur son œuvre, sans gâcher sa performance. "Je vais lire l’extrait d’un roman que j’ai écrit en anglais. Je vais en lire un assez gros morceau traduit par moi-même en français. Plutôt que déranger une autre personne pour une traduction qui est très difficile à faire – car mon anglais est très complexe – , je l’ai faite moi-même. Ça sera moins bon, mais peut-être que ça répondra à la question qu’on me pose très souvent: "Pourquoi tu ne te traduis pas toi-même?" (…) J’ai dû lui donner un titre, Entendre tourner le monde. Mais comme c’est l’extrait d’un roman, je ne vais pas en dire plus. Je vais le lire."
Discrète, respectueuse de la vie de ses bouquins, l’ancienne professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui profite des joies de l’écriture à temps plein, offre malgré tout quelques explications généreuses sur d’autres sujets. Elle délaisse la censure au moment où la conversation bifurque vers le thème de la création. À cet instant seulement, ses lèvres se desserrent et évoquent des images charmantes, précisément celles dont elle a besoin pour écrire. "Je dois mettre de côté les petites exigences de tous les jours pour pouvoir oublier. Oublier la marmotte qui mange la pointe de mes tulipes; oublier le plâtre qui est en train de se défaire par-ci, par-là, sur le mur; oublier l’eau qui monte dans le sous-sol…" dit-elle avec son délicieux accent. "Mais, je dois au moins faire la vaisselle et le lavage, payer les comptes. Je dois au moins organiser ce que je peux organiser. Les choses qui me dépassent, j’essaye de ne pas y penser. J’en ai parlé épistolairement avec un autre écrivain, qui m’a dit laisser tomber sa maison en ruine. Moi, dans une certaine mesure, j’essaye de ne pas faire ça." Cependant, serait-il facile de tomber dans le même piège que cet écrivain? "Oui, parce qu’une fois qu’on est vraiment sur la surface du récit, on ne sait plus quelle heure il est. C’est presque un luxe de se laisser aller sur la surface parce qu’il y a tellement d’autres demandes qui exigent du temps", conclut-elle.
Le 22 avril
Au Musée québécois de culture populaire