Sadia Messaili : Transit
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Sadia Messaili : Transit

Sadia Messaili, auteure présente au SLTR, ne voulait pas se souiller les mains de sang. Voilà pourquoi elle a quitté l’Algérie. Ainsi a commencé un douloureux périple.

Le mot réfugié n’est pas un mot comme les autres. Il porte avec lui une part d’ombre: des souffrances, des préjugés, du silence. Sadia Messaili, qui a choisi l’exil au début des années 90, en sait quelque chose. Avec les siens, elle a fui l’Algérie en pleine tourmente pour se retrouver dans un cul-de-sac. Refusée par la Suède, pays qu’elle avait choisi pour recommencer sa vie, elle a erré, ne sachant pas ce que l’avenir lui réservait. Cela l’a amenée à transiter deux ans en Autriche avant de finalement aboutir sur sa terre d’accueil, le Canada.

Pour pouvoir supporter ce qui lui arrivait, la Marocaine d’origine a tenu une sorte de carnet de bord. Elle y posait ses réflexions quotidiennes, ses états d’âme. Elle ne voulait rien oublier. "Mon intention à ce moment-là n’était pas d’écrire un livre", se souvient-elle. Ce recueil se voulait en fait un gardien de sa mémoire, de son identité. C’est cependant à partir de celui-ci que Sadia Messaili a écrit son bouquin La Route de la dignité.

La femme âgée d’une quarantaine d’années admet que la rédaction de ce manuscrit ne s’est pas faite sans douleur. Relire ses notes rouvrait des plaies mal cicatrisées. "Chaque fois, ça m’arrachait les entrailles. J’avais tellement mal… Même aujourd’hui, quand je lis certains morceaux, je me demande comment j’ai survécu à ça. […] Le réfugié est anonyme, il est invisible. Il n’a pas de droits, il n’a pas de poids. Il est flottant. Il est nul, nul, nul. L’estime ne soi, il n’y en a plus." Heureusement, contrairement à de nombreux réfugiés, Sadia Messaili n’a jamais perdu confiance en sa valeur. Sa famille lui servait de garde-fou et lui donnait la force de continuer à se battre. "Imaginez une personne seule… C’est presque compréhensible qu’à un moment donné, elle se suicide", ajoute-t-elle, révoltée.

LE NERF DE LA GUERRE

La Route de la dignité se veut donc la voix de ces hommes et de ces femmes qui ont tout abandonné afin de trouver un asile, un havre de paix. "Mon livre relate surtout le désespoir et le désarroi du réfugié. Je suis partie de moi, puis j’ai généralisé l’observation et l’analyse à tous les réfugiés parce qu’ils sont des produits de la guerre, des conflits. Quand ils partent, ce n’est pas parce qu’ils sont lâches. Ils partent en laissant tout derrière eux: une maison, un emploi, de la famille, des amis, des projets. Et ils s’en vont juste parce qu’ils ne veulent pas se salir les mains de sang. Ça, personne ne le voit. On appelle ça "les dommage collatéraux". Mon cri, c’est : "Nous ne sommes pas invisibles. Chaque réfugié qui meurt, c’est une victime de la guerre. Chaque réfugié qui vit cette souffrance, c’est un être humain en voie de disparition." Les réfugiés ne sont pas considérés comme des gens qui ont besoin d’aide. Et il y a des gens qui attendent deux, trois ou quatre ans avant qu’un pays accepte de régulariser leur situation."

Sadia Messaili estime que la résolution de ce problème se trouve dans le bien-fondé des guerres. Une utopie? "Quand vos faits et gestes sont positifs, vous cassez tous les gestes négatifs", croit-elle.

La Route de la dignité, l’exil volontaire d’une famille
de Sadia Messaili
Éd. JCL, 2005, 222 p