Architecte des sentiments : La traversée des lieux
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Architecte des sentiments : La traversée des lieux

Avec Architecte des sentiments, le célèbre poète Claude Beausoleil nous entraîne dans le monde de la photographie et de la traduction, dans celui du rêve et de la déception.

Le traducteur, le photographe, la mort de l’amour, et happées dans la torsade, Mexico, Paris et Montréal. Si tout le roman s’élabore autour de cette traversée des lieux et des sentiments, l’essence principale du livre est la langue. Une langue qui refuse de mourir, qui se permet de dire et de redire, jusqu’au vertige, tout ce que le récit d’une histoire ne raconte pas. Ici, la douleur ne se cache pas, elle compose plutôt avec le temps et les pulsions aussi naïves que salvatrices, afin d’inventer une mémoire qui sauve une réalité qui n’a jamais vu le jour.

Le personnage principal est traducteur et il vient de Montréal. Pour ses recherches, il passe beaucoup de temps au Mexique car il s’intéresse particulièrement au poète, philosophe et architecte Nezahualcoyotl (1402-1472), figure mythique de l’Ancien Mexique. À la suite d’un échec amoureux auquel il n’arrive pas à mettre le point final, il s’installe à Paris où il travaille pour une agence de publicité. Ce nouvel emploi le ramène au Mexique pour une mission, et là, le passé refait surface. Ce retour dans le temps a parfois l’effet d’une gifle, mais aussi, cela ressemble à une danse que le narrateur dirige. À l’occasion, par contre, il s’abandonne aux pas jusqu’à en perdre pied. Toutes les époques se chevauchent, et avec la lecture d’un manuscrit qui ponctue le récit, et par le biais de l’œuvre de Nezahualcoyotl, fiction et réalité se confondent, mais préservent la langue au premier plan, comme bouée de sauvetage, comme le lieu des possibles. La langue confère à la confusion du temps et des sentiments une dignité, un tremplin pour l’avenir.

Ce roman est une occasion de réfléchir sur les villes, sur les différences culturelles, sur les rapprochements possibles. On y parle avec pertinence de poésie, de la publication, de photographie, d’amour et, beaucoup, d’amitié. En somme, c’est un livre sur la communication, exaltant par moments, touchant par d’autres. Par-dessus tout, on sent l’intelligence de son auteur et son extrême sensibilité au monde qui l’entoure.

Architecte des sentiments
de Claude Beausoleil
Éd. Le Castor Astral
2005, 368 p.