Georges Lafontaine : L'enfant d'eau
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Georges Lafontaine : L’enfant d’eau

Avec Des cendres sur la glace, Georges Lafontaine livre un premier roman qui, contrairement à ce que son titre évoque, est un baume aux notes chaleureuses et maritimes…

Natif de l’Outaouais, le journaliste et homme politique Georges Lafontaine, qui est présentement attaché politique du député de Gatineau et qui a notamment été propriétaire de la station de radio CFOR-FM et du journal La Gazette de Maniwaki pendant quelques années, propose un premier roman d’une grande sensibilité.

Les fonctions de celui qui a consacré une bonne partie de sa carrière à l’écriture journalistique lui laissant désormais plus de temps, il s’est consacré à l’esquisse d’un premier livre. "Étant journaliste, j’avais cette volonté d’écrire quelque chose qui laisse une marque plus permanente qu’un papier dans un quotidien ou un hebdomadaire. J’étais un peu craintif: j’étais tellement habitué à amasser des sommes phénoménales d’informations pour les résumer en un ou deux feuillets que je craignais de sortir tout mon punch dans ma première page!" s’esclaffe-t-il avec complicité.

Georges Lafontaine y raconte l’histoire d’Achille, qui, au lendemain de la mort de sa douce moitié, Adela – prononcez Adila -, conçoit le projet insensé de partir en canot de Maniwaki à Terre-Neuve afin de répandre ses cendres sur sa terre natale, où il avait toujours promis de l’amener. Le récit évolue à travers l’histoire de plusieurs âmes: celle d’Achille enfant, qui est vite jeté en bas du nid et envoyé travailler dans des chantiers du nord; celle de Martin, un journaliste à La Gazette qui suit avec une curiosité grandissante le périple du vieil homme; celle d’Adela, qui s’enfuit clandestinement de sa terre natale puisqu’elle attend un enfant conçu hors mariage. Les médias et le milieu juridique se mêleront plus tard à l’aventure pour freiner le périple tordu "du vieil homme au canot".

Fortement inspiré par sa Terre-Neuvienne de femme, qu’il a honorée en prêtant son nom à son héroïne, Georges Lafontaine voulait surtout faire transparaître l’attachement profond et viscéral que les "enfants de la mer et du vent" ont à l’égard de leurs racines, pour lesquelles ils éprouvent une grande nostalgie. L’auteur a aussi voulu mettre en lumière son petit coin de paradis puisque l’histoire se déroule principalement à Maniwaki. "C’est un des objectifs nobles que je m’étais fixés: c’était important pour moi de situer cette histoire chez moi pour parler de la beauté de la région, qui est très mal connue. Et une des splendeurs de cette région, c’est la rivière Gatineau, une beauté cachée dont on n’a que quelques aperçus à partir de la route 105… Dès le départ, cette rivière a été la colonne vertébrale de la région; en commençant par les Indiens qui sont arrivés en canots d’écorce. Sont ensuite apparus les premiers colons, les bûcherons pour le flottage, des constructions de barrages… Ainsi, par mon histoire, je pouvais la mettre à l’avant-scène puis j’aimais cette idée folle d’un vieux qui part en canot sur une distance de 2000 km…"

Ce qui ne se voulait pas nécessairement une histoire d’amour au départ a résulté, par la force des choses, en un récit amoureux qui se distingue de ce qu’on lit habituellement: "Je crois que ce qui est particulièrement différent, c’est que je l’ai abordé par l’autre bout de la lorgnette, en commençant par la fin. Par la mort de l’être aimé. On prête facilement à un jeune couple le droit d’être amoureux passionnément, mais on n’a pas la même appréciation quand il s’agit de "vieux"… surtout s’ils ont vécu 70 ans ensemble!" Ainsi, de la rencontre peu anodine de ces deux êtres sur un chantier, naît une histoire d’amour pure, les amants se créant même leur propre jargon, leur monde bien à eux, comme le décrit l’auteur en une phrase: "Un monde fait de tourtières et de Jig’s Dinner, de franglais et d’ançais, de forêts profondes peuplées de pins géants sur un fond d’océan s’étendant à perte de vue."

Le personnage d’Achille s’est imposé à l’auteur, lui rappelant un voisin qu’il a connu étant jeune et qu’il appelait "pépère Gus": "Dans ma vie, c’est la seule personne que j’ai vue signer avec un X; il n’était pas capable d’écrire son nom. En fait, c’était un vieux monsieur sans instruction dont toute la vie reposait, justement comme Achille, sur quelques valeurs simples: la justice, la tolérance, l’honnêteté, tout ça… Quand j’étais tout jeune, j’allais dans son atelier et il bricolait toutes sortes de choses, et je trouvais donc que c’était un homme qui représentait le calme, la paix, la confiance."

La suite de ce roman est déjà écrite et prendra le titre de Des cendres et du feu. L’auteur, ne voulant pas en dire trop, précise quand même que l’histoire se passe de 1990 à 2003 et qu’elle se déroule autour de la SOPFEU (Société de protection des forêts contre le feu), pour laquelle il a travaillé pendant quelques années. "Je crois sincèrement que l’on écrit mieux sur ce qu’on connaît. Toute l’histoire a des ramifications avec des choses que j’ai touchées un peu, c’est sûr que ça m’a aidé. Dans mon métier, j’ai vu beaucoup de choses, je suis très observateur", conclut-il. C’est donc une aventure à suivre…

Des cendres sur la glace
Guy Saint-Jean Éditeur
382 p.