Le Marché francophone de la poésie : Place aux poètes
Le Marché francophone de la poésie prendra bientôt le Plateau d’assaut. Rencontre avec le poète Claude Beausoleil, figure clé de l’événement.
À la sortie du métro Mont-Royal, à longueur d’année, on retrouve le kiosque Mont-Royal, ce petit marché de plantes, de fruits et légumes. Or, du 2 au 5 juin, un second marché siégera à la place Gérald-Godin, histoire de faire un clin d’œil aux mangues en saison et aux oiseaux du paradis: le 6e Marché francophone de la poésie. Organisée par la Maison de la poésie, cette célébration inespérée du verbe reçoit sous son chapiteau depuis six ans, en toute convivialité, une soixantaine d’éditeurs et de revuistes de poésie fiers de leurs publications. Un colloque, des lectures publiques, des tables rondes; l’objectif est simple: rassembler les lecteurs et les poètes en un même lieu, autour d’une réalité souvent occultée par le discours culturel et les médias – la poésie, celle qui se fait, celle qui est en train de se faire. Pourquoi? Parce que "la poésie est fondatrice, rappelle Claude Beausoleil, c’est notre bivouac postmoderne. C’est autour de la poésie qu’on vient se réchauffer l’esprit et les mains, chanter ce qu’on est, avoir peur, être solitaires et solidaires. La poésie, c’est l’acte individuel qui regroupe".
L’événement réunira tous les éditeurs québécois, ainsi que plusieurs maisons belges et canadiennes avec, sur leurs étals, leurs toutes dernières parutions. Une occasion de mettre la main sur des titres difficiles à trouver ailleurs, à d’autres moments de l’année. "Étrangement, la présence du livre de poésie, même dans les rues du quartier culturel central de Montréal, n’est efficace et vérifiable que dans les librairies d’occasion. Il se publie environ 150 recueils de poésie par année au Québec, et il n’y a aucune librairie vendant du neuf, à l’heure où on se parle, qui tient ces 150 recueils-là, ou même la moitié, sur ses rayons", précise Beausoleil. Cependant, ce n’est pas la rareté de la poésie qui la rend précieuse, c’est sa nécessité. Car il s’agit bel et bien d’un lieu où on peut, en toute liberté, venir "faire son marché", se procurer un peu de pain pour le cœur et l’esprit, "venir faire le plein, chercher des choses dont on a besoin".
Mis à part le mot écrit, la poésie brille par la parole concrète. On pourra donc aller entendre bon nombre de poètes lire leur travail dans plusieurs lieux du Plateau. Entre autres, le 3 juin à 20h30, à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal, le spectacle Le Passage et l’envol réunira sur scène plusieurs "passeurs de vers" prêts à montrer leurs couleurs; le lendemain à 20h30, un hommage à Fernand Ouellette aura lieu au même endroit. La soirée se poursuivra en se corsant au Quai des Brumes, où se tiendra à 22h la soirée cabaret Poètes de Brousse. Le 2 juin, toujours à la même adresse, un colloque se déroulera de 9h à 17h, où les artisans du milieu s’interrogeront sur les relations entre poésie et critique. Également, trois tables rondes seront logées sous le chapiteau: L’évolution des petites maisons d’édition depuis 30 ans, La poésie et la scène, ainsi que Parole poétique et parole sacrée auront lieu respectivement le 3, 4 et 5 juin à 14h30. Toutes les activités sont gratuites.
VILLE OUVERTE
Outre toutes ces occasions de constater le dynamisme poétique de la métropole et d’ailleurs, le clou de la programmation sera fort probablement le spectacle de clôture La ville: corps et âmes, s’inscrivant dans le cadre de Montréal, capitale mondiale du livre, qui aura lieu le 5 juin à 20h, à l’Usine C. Avec le comédien et dramaturge Alexis Martin à la mise en scène et le président du comité d’honneur de la Maison de la poésie, Claude Beausoleil, à la direction artistique, le seul événement payant du marché (8 $) risque d’être vibrant à souhait. La proposition de base séduit par sa radicalité: "nous voulions aller vers l’essentiel, explique Beausoleil. Corps et âmes, c’est le corps du poète et l’âme de ses textes qui, eux-mêmes habités par la ville, l’habitent en retour". Vingt-quatre poètes seront présents sur scène, tour à tour, sans décor, sans musiciens: "la musique, c’est celle du poème. Le seul effet extérieur sera la lumière, un travail précis d’éclairage " afin que de la scène se dégage "un état à la fois d’incarnation et d’élévation".
"Ruissellement diffus des faisceaux de lumières" (Clément Marchand, 1930), "Montréal est grand comme un désordre universel" (Gaston Miron, 1970) nous rappelait Beausoleil en 1992 avec son anthologie Montréal est une ville de poèmes vous savez (L’Hexagone). Et elle continue de l’être. Elle vous invite à en être témoin.
Le 6e Marché francophone de la poésie
Du 2 au 5 juin, à la place Gérald-Godin
Renseignements: (514) 526-6251
www.maisondelapoesie.qc.ca