Lise Blouin : Or massif
L’auteure estrienne Lise Blouin revient tout juste de l’île Maurice, où elle a remporté un prix pour son roman L’Or des fous.
Lise Blouin était tout sourire lorsque rencontrée dans un café rue Wellington, quelques jours après avoir gagné le Prix du roman d’amour Prince-Maurice. Cette distinction, qu’elle a reçue en personne à l’île Maurice des mains de Richard Desjardins, elle ne s’y attendait pas du tout. D’abord, elle n’en avait jamais entendu parler. Et elle se mesurait à des finalistes de taille: Nadine Bismuth et son livre Scrapbook, Francine D’Amour et son roman Retour d’Afrique…
Mais c’est L’Or des fous qu’a choisi de récompenser le jury, composé de quatre écrivains québécois et de trois Mauriciens: Aurélien Boivin (président du jury), Monique LaRue, Stanley Péan, Arlette Pilote, Carl de Souza, Alain Gordon-Gentil et François Antelme. "Ça a été toute une surprise, parce que le prix est remis pour un roman d’amour. Mais mon roman n’est pas un roman d’amour, dans ce qui lui est traditionnellement associé, avec la romance et tout… Mon livre est tellement loin de cela que je me trouvais chanceuse d’avoir été remarquée."
De fait, L’Or des fous nous plonge dans le quotidien de deux enfants maltraités par leur père. Pour créer un sens à leur vie, ils commencent à s’intéresser aux roches; d’abord en ramassant des pépites de pyrite qu’ils croient être de l’or. Au fil du livre, leur connaissance du monde minéral s’affûte. Ils se plongent dans une collection de roches pour oublier les agressions paternelles et en viennent à inventer un langage inspiré du monde des pierres pour dire l’innommable. L’amour du roman est surtout vécu à travers cette bouleversante relation frère-sœur.
L’auteure mentionne que c’est le personnage du petit garçon qui lui est apparu le premier. "Je le voyais avec un crâne dur comme la pierre." C’est ensuite qu’est venue l’idée de faire l’analogie avec les pierres. Lise Blouin avoue qu’elle ne connaissait pas du tout l’univers des roches, mais comme les enfants de son histoire, elle a fouillé dans des ouvrages spécialisés et des dictionnaires pour en apprendre plus. Les gens qui ont déjà visité la Mine de Capelton reconnaîtront sûrement la description que fait l’auteure du fameux repaire du petit garçon, qui se réfugie dans une grotte durant une fugue de 48 heures. Un lieu mythique pour le garçon et sa sœur et qui demeure présent dans l’ensemble du roman.
HISTOIRE À LONGUE PORTÉE
Roman tout en finesse, L’Or des fous a touché beaucoup plus que les membres du jury du Prix Prince-Maurice. Lors de son séjour en sol mauricien, Lise Blouin a rencontré des étudiants en littérature qui avaient lu les trois bouquins finalistes. "C’est là que j’ai senti comment ce roman leur parlait, dit-elle. Je situe l’action dans un petit village du Québec, mais cette violence parentale que j’ai abordée par l’intermédiaire de l’imaginaire, ça les a touchés. Y’a un des étudiants qui m’a dit: "Moi, ça m’a labouré.""
Quelles seront les retombées de ce prix? "Ce que je souhaite le plus, c’est qu’il soit lu chez nous, répond Lise Blouin. On ne le trouve presque pas en librairie…" se désole-t-elle. La dame s’inquiète du coup sur la diffusion et la mise en marché des livres au Québec. "Il me semble que la place accordée aux livres québécois devrait être la première…" Qu’on se le dise: L’Or des fous est un livre poignant, qui se laisse dévorer en un rien de temps.
L’Or des fous
De Lise Blouin
Triptyque, 260 pages