Michel Onfray : Pour en finir avec Dieu
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Michel Onfray : Pour en finir avec Dieu

Le philosophe Michel Onfray lance un autre pavé dans la mare des bien-pensants avec son récent Traité d’athéologie.

Nietzsche avait tort: Dieu n’est pas mort. Enfin pas tout à fait, "il respire encore", achevons-le donc, pourrait ajouter Michel Onfray. L’Islam mais aussi l’Occident demeurent sous l’empire d’une culture monothéiste qui incite à préférer l’au-delà à l’ici-bas, la pulsion de mort à la culture de la vie, la haine et le rejet de l’Autre à son acceptation. Et s’il est commode de dépeindre en négatif un Islam rétrograde croulant sous l’obscurantisme, souvenons-nous que le religieux opère ici en sourdine, dissimulé qu’il est pour mieux agir.

Car le Coran, la Bible et la Torah, nous dit Onfray, partagent un commun mépris de l’intelligence, de la liberté, de la vie, des femmes, du plaisir ou des désirs, leur préférant la foi et la croyance, l’obéissance et la soumission, le goût de la mort. Ainsi, 200 ans après les Lumières, la séparation du religieux et du politique, les avancées scientifiques et la démocratisation des sociétés, le triomphe de la raison est loin d’être entier en Occident, le religieux continuant de nous structurer, d’orienter nos actions, de guider nos pas. "Sans le prêtre, ni son ombre, sans les religieux ni leurs thuriféraires, les sujets demeurent soumis, fabriqués, formatés par deux millénaires d’histoire et de domination idéologique […] On parle, pense, vit, agit, souffre, dort, conçoit en judéo-chrétien."

Cette prégnance du religieux se paie d’un lourd tribut quand on déroule le fil de l’histoire et nous n’en avons guère tiré les leçons, se désole Onfray, qui se demande pourquoi, si les religions monothéistes sont paix et amour du prochain, les rabbins n’interdisent-ils pas que l’on puisse être juif tout en massacrant des Arabes. Pourquoi les prêtres catholiques et le pape ne défendent-ils pas, au-delà du discours, les faibles, et ne condamnent-ils pas quiconque supprime la vie de son prochain. Pourquoi les imams, mollahs ou ayatollahs ne vouent-ils pas aux gémonies les tueurs de juifs et les assassins d’infidèles. À l’évidence, la passion de l’Au-delà et le mépris de la vie humaine conduisent les monothéistes à rater l’essentiel: "À viser le paradis on manque la terre."

Parce qu’en vérité, les trois monothéismes ont historiquement professé avant tout le meurtre de l’infidèle et non l’amour du prochain. "Ils appuient toujours les chefs de guerre, les sabreurs, les militaires, les guerriers, les violeurs, les pillards, les tortionnaires, les génocidaires, les dictateurs…" C’est cette passion de la mort qui permit aux monothéismes de maintenir leur emprise sur les fidèles, en les gardant enferrés dans des fictions triomphantes et des fables rassurantes, croit Onfray.

Au 18e siècle, Kant et Rousseau ont amorcé le triomphe de la raison sur la foi, ceux qui les ont suivis n’ont pas eu la force de terminer le travail, à nous de le faire. Encore un effort, nous dit Onfray. Il est urgent de dénoncer le simulacre de laïcité qui a cours pour fonder une laïcité authentique, un humanisme post-chrétien (ou contrat hédoniste) où la raison et le matérialisme écarteront définitivement Dieu, les fables, les mythes et les arrière-mondes, libérant les esprits de leurs dernières chaînes afin de célébrer la vie et non la mort. "L’athéisme n’est pas une thérapie mais une santé mentale recouvrée."

On lit à profit Traité d’athéologie, dont l’écriture mordante et tissée d’ironie nous rappelle combien a pu être lourd et dévastateur le poids du religieux. L’auteur se fait toutefois moins convaincant pour ce qui est de sa prégnance contemporaine. Car comment expliquer alors les remarquables avancées scientifiques allant très souvent à l’encontre des enseignements bibliques? Les progrès du mouvement des femmes depuis seulement 40 ans? La libération de la sexualité du carcan religieux de la reproduction? Et surtout le formidable camouflet que songent à imposer aux autorités religieuses nombre de gouvernements dans le monde en autorisant les mariages homosexuels?

Aussi, le religieux a bon dos alors qu’on lui attribue l’ensemble des guerres, génocides, assassinats, persécutions… Si les crimes perpétrés au nom des grandes religions sont indéniables (ce sont les papes qui ont lancé les croisades), on ne saurait passer sous silence la soif de domination et le goût du sang, bien terre à terre, de certains hommes politiques, empereurs, rois, califes et tutti quanti. Ni les réduire à de simples fantoches, ce que laisse croire Onfray.

Traité d’athéologie
de Michel Onfray
Éd. Grasset, 2005, 281 p.