Dominique Robert : Mystères de la foi
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Dominique Robert : Mystères de la foi

Dominique Robert nous propose avec Pluie heureuse une œuvre poétique rigoureuse qui regarde l’énigme du monde dans les  yeux.

On peut ouvrir un ouvrage de poésie à n’importe quelle page pour savoir ce qu’il a dans le ventre. Certains ne jurent que par la première page, d’autres feuillettent, grappillent en diagonale. Or, si vous ouvrez à la dernière page le plus récent recueil de Dominique Robert, vous apprendrez qu’il y a "une partie vide de l’espace / Appelée tantôt Pluie heureuse, tantôt Mira / Mot de même racine que miracle". En fait, si on se rappelle que mira signifie "regarder attentivement", ce que ces derniers vers confirment est aussi simple qu’éclairant: regarde attentivement et tu seras au cœur d’un miracle; sois présent, hors de toi, et le réel s’ouvrira. On pourrait aller jusqu’à dire que ce précepte s’avère en quelque sorte le foyer de Pluie heureuse, l’esprit autour duquel s’articule le quatrième recueil de la poète et nouvelliste.

Avec Sourires (1997) et Caillou, calcul (2000), Dominique Robert nous avait habitués à une écriture d’une simplicité mystérieuse, une pensée côtoyant le vertige insoluble d’être au monde. Tout en s’inscrivant avec constance dans ce parcours, Pluie heureuse se démarque autant par sa transparence intérieure que par une maturité d’évocation, une concision aggravée et marquante.

C’est à un franchissement des apparences que nous convie l’œuvre, une traversée en ligne brisée ponctuée de méditations perçantes ayant "l’indécence de regarder directement l’abîme". Le ciel, la terre, l’étoile, l’arbre, le jour et la nuit, le sommeil, les saisons sont investis d’une intériorité pétrie de questions, de paysages inconnus qui renversent le cœur et le relancent transformé. Le quotidien d’être là, ici et maintenant, se retrouve pris en charge par une langue en constant remuement, d’une élégance chauffée à froid dans ses fêlures, en pleine mesure de débusquer ces "lois errantes qui enseignent en chuchotant" et de se résoudre à la nudité: "Heures en leur forêt m’entraînent et m’épuisent / Sommeil ferme puis ouvre sur moi ses doigts / Fatigues inconsolées ne peuvent s’éteindre ni flamber / Tant une histoire manque à ma vie".

Portés par une voix fluide jusque dans ses accents les plus escarpés, les poèmes de Pluie heureuse refusent calmement la complaisance de se laisser perdre dans les jeux de miroirs du moi et les apocalypses de l’intime. Le "je" est reconduit à son humilité première par ce qui est mis en lumière ici: le grand jeu dansant du présent, cette "réalité plus difficile à bénir qu’à blâmer". Si "une à une fleurissent les heures", c’est en nous renversant comme une carafe dans leur déploiement. Ainsi seulement peut-on en arriver à avancer librement, délié dans l’infime néant de chaque jour, et accueillir "l’eau vitale venue d’en haut éclairer le chemin".

Dominique Robert nous offre avec Pluie heureuse une quête de transcendance aux détours imprévisibles, une mosaïque de regards obliques traduits en une écriture qui, du plus simple jusqu’à l’énigme, n’hésite pas à se laisser briser de l’intérieur pour respirer ce qui importe.

Pluie heureuse
de Dominique Robert
Éd. Les Herbes rouges, 2004, 58 p.