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À tout faire tout seul

Je me lève, m’étire, me prépare un café, me douche, me masturbe dans la douche, m’essuie, m’essuie le reste du corps, m’habille. Jusqu’ici, le quotidien opère. Machinalement, je subis. Deux cafés derrière la cravate et quelques gouttes sur les pantalons plus tard, j’enfile mes souliers mange-camions. Vite, un dernier coup d’oeil dans la glace en bon narcissiste que je suis. Fuck, mes cheveux sont intraitables ce matin. En définitive, je vais les faire couper aujourd’hui. Depuis le temps que j’y pense. Ouais, j’y vais ce midi.

11 h 57

Je roule dans ma voiture, me divertis, me décrotte le nez, m’encrasse les poumons, m’aime, pense à me masturber et m’admire dans le rétroviseur. Ombre au rétro : ma calice de couette. Ils ne perdrent rien pour attendre ces putains de frisottis.

12 h 04

Je débarque de la voiture, verrouille la portière, déambule vers le salon de coiffure, pénètre, patiente.

-Est-ce que vous avez un rendez-vous, Monsieur ?

-Non.

-Ça ne sera pas bien long. Je crois que Darlène se libère.

Darlène se libère, salue son client, lui sourit, me fait signe, me salue et me demande de m’asseoir.

-Qu’est-ce que je peux faire pour vous?

-Coupez-moi ça court, bien court.

-Mais voyons, Monsieur. Vous avez de si beaux cheveux bouclés. On dirait des rotinis.

Aussitôt, je détecte un soupçon de blond dans sa tignasse rousse. Je me convaincs tout aussitôt qu’elle doit se raser la chatte pour dissimuler les doutes sur sa véritable couleur. Qu’importe. Il faut qu’elle me coupe les cheveux.

-Merci du compliment, mais je suis tanné de les avoir longs et je voudrais les avoir courts.

Non mais. Un plus un égale deux, quand même. Dans une perspective linéaire et non vectorielle, évidemment.

-Désolé, mais je refuse de vous les couper. Ça serait vraiment trop dommage.

-Écoutez. Je paye, j’exige.

-Désolée.

Putain. Quel genre de salon de coiffure est-ce? Pas foutu de couper les cheveux. Calvaire. Depuis quand le monde n’est plus capitaliste?

12 h 17

Toujours abasourdi, je rouspète, vocifère, argumente, tergiverse, radote, réfléchis, me calme. Tiens. Voilà un autre salon. En espérant qu’on voudra bien répondre à mon besoin.

12 h 23

Tabarnak. C’est quoi ça? Il n’y a plus personne à Hull qui coupe les cheveux frisés? Il va bien falloir que je le fasse moi-même. De toute façon, je fais toujours tout, tout seul. Me lève, m’étire, me prépare un café, me douche, me masturbe dans la douche, m’essuie, m’essuie le reste du corps, m’habille, roule dans ma voiture, me divertis, me décrotte le nez, m’encrasse, m’aime, pense à me branler, m’admire dans le rétroviseur, débarque de la voiture, verrouille la portière, déambule vers le salon de coiffure, pénètre, patiente. Vous voyez? Je fais tout, tout seul.

Le lendemain

Je me lève, m’étire, me prépare un café, me douche, me masturbe dans la douche, m’essuie, m’essuie le reste du corps, m’habille. Jusqu’ici, le quotidien opère. Machinalement, je subis. Deux cafés derrière la cravate et quelques gouttes sur les pantalons plus tard, j’enfile mes souliers mange-camions. Vite, un dernier coup d’oeil dans la glace en bon narcissiste que je suis. Fuck, mes cheveux sont intraitables ce matin. En définitive, je vais les faire couper aujourd’hui. Depuis le temps que j’y pense. Ouais, j’y vais ce midi.

11 h 51

Je roule dans ma voiture, me divertis, me décrotte le nez, m’encrasse les poumons, m’aime, pense à me masturber et m’admire dans le rétroviseur. Ombre au rétro : ma calice de couette. Ils ne perdrent rien pour attendre ces putains de frisottis.

12 h 02

Je débarque de la voiture, verrouille la portière, déambule vers le salon de coiffure, pénètre, patiente.

-Est-ce que vous avez un rendez-vous, Monsieur ?

-Non.

-Ça ne sera pas bien long. Je crois que Suzie se libère.

Suzie se libère, salue son client, lui sourit, me fait signe, me salue et me demande de m’asseoir.

-Qu’est-ce que je peux faire pour vous?

-Coupez-moi ça court, bien court.

-Mais voyons, Monsieur. Vous avez de si beaux cheveux bouclés. On dirait des rotinis.

Aussitôt, je détecte un soupçon de blond dans sa tignasse orangée. Je me convaincs tout aussitôt qu’elle doit se raser la chatte pour dissimuler les doutes sur sa véritable couleur. Qu’importe. Il faut qu’elle me coupe les cheveux.

-Merci du compliment, mais je suis tanné de les avoir longs et je voudrais les avoir courts.

Non mais. Un plus un égale deux, quand même. Dans une perspective linéaire et non vectorielle, évidemment.

-Désolé, mais je refuse de vous les couper. Ça serait vraiment dommage.

-Écoutez. Je paye, j’exige.

-Désolée.

Putain. Quel genre de salon de coiffure est-ce? Pas foutu de couper les cheveux. Calvaire. Depuis quand le monde n’est plus capitaliste?

12 h 12

Toujours abasourdi, je rouspète, vocifère, argumente, tergiverse, radote, réfléchis, me calme. Tiens. Voilà un autre salon. En espérant qu’on voudra bien répondre à mon besoin.

12 h 24

Tabarnak. C’est quoi ça? Il n’y a plus personne à Gatineau, secteur Hull, qui coupe les cheveux frisés? Il va bien falloir que je le fasse moi-même. De toute façon, je fais toujours tout, tout seul. Me lève, m’étire, me prépare un café, me douche, me masturbe dans la douche, m’essuie, m’essuie le reste du corps, m’habille, roule dans ma voiture, me divertis, me décrotte le nez, m’encrasse, m’aime, pense à me branler, m’admire dans le rétroviseur, débarque de la voiture, verrouille la portière, déambule vers le salon de coiffure, pénètre, patiente. Vous voyez? Je fais tout, tout seul.

Toutefois, lorsque l’on fait tout, tout seul, on répète toujours les mêmes erreurs. On n’apprend pas, n’avance pas, n’évolue pas, ne s’émancipe pas, ne s’améliore pas. Ouf. Mon esprit tourne. J’ai besoin d’aller voir le monde.