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Et si Bob sauvait le monde ?

Chapitre 1 : Bob dit le moyen

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, tous l’avait appelé ainsi, " Bob ". Ceci n’était certes pas un handicap mais ce n’était rien pour l’aider à ce surpassé. Robert Chèvrefoux n’avait d’ailleurs pas de caractéristiques particulières sauf peut-être d’être toujours bien à sa place. En fait il avait une tendance très prononcée à être d’une très grande normalité. Il commença à marcher à l’âge standard indiqué dans tous les bons manuels de pédiatrie. Il embrassa sa première copine à 11 ans, l’âge moyen des garçons de son époque. A l’adolescence, Bob eut un nombre moyen de boutons d’acné. Il fut un étudiant moyen, avec des notes moyennes, toujours exactement à plus ou moins un pourcent de la moyenne de la classe. Ses professeurs le surnommaient affectueusement entre eux " monsieur distribution normale ". Il chemina ainsi sur son tracé médian du monde scolaire pour aboutir à l’université où il obtint son diplôme en comptabilité sans mention spéciale.

Bob se maria à 23 ans, exactement l’âge moyen des hommes québécois non circoncis nés entre 1962 et 1969 dans la région métropolitaine. Bob est un véritable étalon du mâle contemporain avoisinant la quarantaine. Précisons, " étalon " est utilisé ici dans le sens d’unité de mesure et non pas pour définir la capacité de reproduction de Bob. Par son emploi comme comptable agréé, il est rapidement devenu un consommateur moyen, dépensant à 10$ près, le montant d’argent qu’un jeune ménage de classe moyenne débourse annuellement selon statistique Canada. Il a changé sa première voiture pour une belle intermédiaire et acheté une maison en banlieue de Montréal, un beau bungalow typique. Bob était en possession de tous les ingrédients essentiels pour assurer sa reproduction. Bob en a d’ailleurs profité pour tricher les statistiques pour une des rares fois de sa vie, ayant deux enfants entiers au lieu de la moyenne nationale permise de 1,4 par famille !

Bref Bob était le portrait type du citoyen moyen. Même physiquement, sa taille, son poids, son quotient intellectuel sont précisément dans la moyenne. Protagoras, philosophe grec, aurait sûrement dit de lui " Bob est la mesure moyenne de toutes choses " !

Bob s’intéressait cependant peu à la philosophie, encore moins à la politique. Sa plus grande manifestation citoyenne restant bien humble. Il avait osé, bien discrètement, en utilisant un pseudonyme, ce plaindre par un texte de peu de mots de la flambé du prix du pétrole sur un forum web.

Pourtant, à 39 ans, Bob était sur le point de transformer le monde. Chose certaine, il ne s’en doutait pas encore.

Chapitre 2 : Bob de chenille à papillon

Bien que Bob fût sur le point de sauver le monde, il ne possédait pas d’atouts surnaturels. Il n’était pas né sur la planète Krypton et n’avait en sa possession aucun habit collant aux couleurs voyantes et muni d’une cape. Sa façon de changer le monde sera un peu différente de nos super héros habituels et plus en harmonie avec son profil, elle se fera discrètement.

Sa transformation débuta un peu étrangement, en écoutant un obscur député lors du temps d’antenne offert gratuitement tard le soir par Radio-Canada au parti politique durant les périodes électorales. Bob était sur le point de s’endormir sur le coin du canapé lorsqu’un certain Thomas Gordon du parti Vert, faisant l’éloge de la plate forme politique de son parti, éveilla un petit coin obscur de sa conscience. Quelques jours plus tard, au hasard d’une campagne de porte à porte, un représentant de sa municipalité lui remettait un petit dépliant sur le nouveau plan de développement durable de sa ville. Ceci compléta le réveil de la conscience citoyenne de notre ami. Bob est alors devenu un adepte du " Penser globalement, Agir localement ". Il a donc commencé par faire du recyclage chez lui. Il a retrouver au garage le bac que la ville lui avait remis un an plus tôt. Il a débuté la difficile tâche de séparer et triller les matières recyclable : le papier, le verre, l’aluminium et le plastique. Il le faisait cependant avec beaucoup de minutie, passant de plus en plus de temps chaque semaine à la tâche, ce que sa femme lui fit remarquer désagréablement un soir où il tardait a aller se recoucher. Devant l’augmentation des prix du mazout, délaissant les protestations électroniques et les forums de boycotts, il a commencé à utiliser de plus en plus le transport en commun et le vélo pour ses déplacements. Écoutant religieusement les conseils de la puissante société d’état, il a également mis de l’avant des mesures d’économie d’énergie pour sa maison, il a changé ses ampoules incandescentes par des fluorescentes compactes, posé des thermostats programmables.

J’entends déjà certains lecteurs gémir, voir si l’on peut changer le monde avec ces petits gestes anodins, comme tout ceci est naïf. Soyez patient, ce n’est pas terminé…

Bob devenait assurément un citoyen exemplaire, mais il n’avait pas encore finit de nous épater. Il commença alors une action qui faillit ruiner son couple et semer la zizanie avec son voisinage. Bob osa, contre vents et marées mais surtout à l’encontre de toutes les critiques de son entourage, se risquer à fabriquer un composteur dans la cours arrière de son bungalow! Sa tendre épouse le traita de fou, elle lui rappela de façon un peu brusque qu’il passait déjà assé de temps avec son bac de recyclage. Ses voisins l’accusèrent de vouloir attirer toute la vermine de la rive sud. Bob avait définitivement peu d’appuis dans sa nouvelle démarche mais il persévéra. Un beau composteur à deux compartiments fabriqué en bois et grilles de poules vit le jour dans l’arrière cour. Bob en était fier. Le travail était bien fait. Il ne mit pas de temps à le nourrir de gazon, de restes de table et de feuilles mortes. Son mélange était parfait. Bob équilibrait, tel un chimiste chevronné, la fragile balance carbonne-azote si importante à un compost de qualité.

Par une fin de journée sombre, Bob allait simplement transvider les restes de table du souper dans son magnifique composteur. Il était vêtu sobrement, portant un vieux t-shirt et un bermuda. Il était muni de simples sandales au pied et pourtant, c’est à ce moment précis que la révélation qui allait bouleverser sa vie lui fit faite.

Chapitre 3 : Bob l’élu

Bob n’avait pas l’habitude d’entendre des voies dans sa tête. Il était plutôt catégoriques à ce sujet. Pourtant, debout devant son composteur d’où émanait un joli parfum d’humus, il l’entendit ! Une voie grave, puissante et douce à la fois. La voie lui disait ceci : " Bob, permets moi de t’appeler Bob, je t’ai choisi ! Ta façon de composter m’a convaincu !". Bob fut pour le moins stupéfait, il faillit trébucher dans son beau tas de terre végétal. Tout en regardant autour de lui pour voir si quelqu’un lui jouait un mauvais tour, il risqua une réponse. Il répondit donc : " Choisi ? Choisi pourquoi et par qui ? ". Les nuages s’assombrir aussitôt au dessus de la maison et la voie repris : " Bob, je suis ton Dieu et je t’ai choisi pour sauvé le monde des perversions qui l’empoisonne de plus en plus. Il faut un nouveau guide aux Hommes (et aux Femmes bien attendu, Dieu et les milieux religieux ne sont pas très à la page à ce sujet), tu es l’élu ! ". Robert commençait à fléchir légèrement des genoux et avait un bon pincement à l’estomac, il trouva le moyen de répondre, s’en plus se soucier des regards d’autrui : " Moi, sauvé le monde, mais vous êtes fou ? ". Une énorme éclaire vint atterrir à quelques centimètres de son pied droit, ce voulant une réponse négative à la dernière question. La voie divine insista : " Tu dois obéir et commencer à répandre la bonne nouvelle. Vas dans le désert, restes y 20 jours, je te transmettrai les mises à jours de mes commandements, l’humanité est mure pour une version actualisé de ma bonne parole ! ".

Bob était secoué, il était debout la bouche ouverte, le récipient de détritus à la main lorsque sa femme le fit sursauter par une légère tape sur l’épaule. Elle lui demanda : " Bob, mon chéri, tu regardes ton compost se décomposer maintenant ? ". Bob se ressaisit et demanda à sa femme si elle avait remarqué quelques choses de spéciale dans les dernières minutes, ce qu’elle réfuta. Bob lui annonça alors sans explication : " Chérie, tu ne peux pas comprendre mais je dois partir dans le désert les 20 prochains jours, j’ai été choisi pour une grande mission. Prends bien soins des enfants. " Il se dirigea d’un pas rapide vers la maison, saisit son manteau et les clefs de la voiture, démarra et disparu dans la nuit. Sa femme avait maintenant pris une posture très similaire à celle de Bob avant qu’elle ne lui tape sur l’épaule, une légère coulé de bave s’échappait de sa bouche. Un sentiment de colère et de peur l’avait soudainement envahit.

Bob roulait dans le noir sans trop savoir où aller. Trouver un désert au Québec n’est pas chose facile, encore moins sur la rive sud de Montréal. Peut-être devait-il penser un plus au sens figurer, après tout, ces personnages divins aiment bien utiliser des paraboles. Il décida donc de se rendre à l’aréna municipale qui était déserte à ce temps-ci de l’année. Il gara sa voiture derrière et força avec facilité la porte de service. Il alla s’asseoir au centre de la grande dalle de béton qui est normalement recouverte de glace en hiver. Il s’assit en indien et attendit. Il aurait assurément des nouvelles de Dieu bientôt.

Chapitre 4 : Le " preacher "

Bob avait passé de longues heures à attendre. Il s’était assoupi au bout de 14 heures. À son réveil, il se sentait transformé. Aucune tablette de pierres écrites n’étaient posées près de lui, ni aucune autre forme d’indications divines, mais lui, il se trouvait différent, rempli d’un savoir immense. Il avait dormit 19 jours et 10 heures, il pouvait commencer à répandre la bonne parole. Il commença par retourner chez lui où il trouva la maison vide, sa femme était parti chez sa mère avec les enfants en laissant une note brève : " Tu auras des nouvelles de mes avocats ". Bien que sa nouvelle vie débutait plutôt mal, Bob ne perdit pas le moral et commença toute suite à réfléchir sur le meilleur moyen de transmettre la bonne nouvelle. Il décida de s’attaquer des le lendemain au centre d’achat le plus près, il pourrait alors rejoindre beaucoup de brebis égaré. Bob s’installa à 9h00 précise au milieu du stationnement du Wal-Mart, sur un petit tabouret et commença à prêcher : " J’ai fait un rêve. Les gens pensaient à la surconsommation, ils pensaient aux générations futures, ils arrêtaient d’épuiser les ressources de notre Terre. Ils achetaient équitable, biologique. Réduisaient, Récupéraient, Recyclaient. Aimaient leur prochain, n’encourageaient pas la violence. " Des paroles sensées et humaines s’articulaient de la bouche de Bob. Au début, peu de gens l’écoutaient mais rapidement une foule se massa autour de lui. Les gens étaient touchés par ses paroles limpides. Bob prêcha ainsi pendant 3 jours, de plus en plus de gens venaient l’écouter. Les postes de télévisons locales ne tardèrent pas à couvrir la nouvelle. Au bout de 4 jours la télévision nationale arriva sur les lieux. Le 5ème jours, des postes étrangers commencèrent à venir. Le discours de Bob était maintenant entendu aux quatre coins de la planète. Le 6ème jours, W.Bush touché par le discours de Bob convaincu les États-unis à ratifier le protocole de Kyoto.

C’est à ce moment que je me réveille, Bob, mon voisin, me crie que je vais avoir une contravention si je ne me grouille pas à déplacer ma voiture qui est garé du mauvis coté de la rue. Je m’étais si bien assoupi dans mon hamac !