17h58, Musée d’Orsay à Paris. Camouflé au fond des toilettes du sous-sol, j’attendais la fermeture des galeries afin d’assouvir ce fantasme si souvent souhaité. En patientant, je devais supporter l’angoisse d’être éventuellement repéré par un gardien. En plus, il y avait cette forte odeur d’urine, pire ici que partout dans les rues de cette ville, si romantique soit-elle. Paris ville lumière et des antiquités, mais aussi, ville de la vielle pisse. J’étais tellement nerveux, qu’au fond, cette effluve me réconfortait; sans doute elle me rappelait d’autres équipées dans les hygiéniques toilettes de chez nous à Montréal.
Je ne sais si c’est à cause de cette pensée ou de cette odeur mais ma braguette commença à se soulever. Je me voyais tel un fantôme de l’opéra en plein acte homérique version érotique. Peut-être n’étais-je finalement qu’un simple touriste de 19 ans complètement cinglé de s’être réfugié dans les wc d’un des plus célèbres musées du monde à espérer se frotter contre un faune de marbre. Le souvenir de cette figure mythologique mi homme mi bête, mais assurément bandant, m’habitait tout entier. Pris d’une érection à couper le souffle, j’entendais mon cour battre dans mon pénis qui semblait suivre le rythme de mon excitation. Je repensais à cette sculpture et déjà je m’excitais. Dans ma tête, je revoyais ce sublime faune couché sur le ventre, incarnant la sensualité virile avec ses cornes et un petit cul tout blanc cambré vers le haut, me suppliant de l’exaucer.
Les lumières s’éteignirent et j’entendis clairement de lourdes portes se refermer, me laissant le champ libre pour assouvir mon appétit grandissant. Enfin, j’allais m’approcher de l’ouvre que je considérais et que je considère toujours, comme la plus attirante de toute l’histoire de l’art occidental. Enfin j’allais la jouir autrement qu’avec mes yeux.
Dans la pénombre, j’avançai lentement, quittant l’odeur des toilettes pour un nouveau parfum; celui des galeries aseptisées du musée. J’avais tellement peur de voir arriver un surveillant avec sa lampe, que je suais à grosses gouttes. Ma chemise était détrempée et complètement collée à mon corps. Afin de voir où j’avançais, je devais m’essuyer constamment le visage afin de me débarrasser de l’eau qui me dégoulinait jusque dans le creux du nombril. Il faisait noir mais je savais que par le chemin que j’empruntais, se dessinaient les baigneurs musclés de Cézanne, les fascinants éphèbes de Puvi de Chavannes et les délicieux adolescents nus de Bougereau. Jouissant de cette angoisse extrême qui virait à l’extase, je n’avais qu’un seul but et je m’y approchais sûrement.
À portée de main, il était là, devant moi,. Le faune m’attendait, avec son corps divin, sans doute inspiré du plus beau modèle masculin de l’époque; bienheureux artistes! Dans la mi obscurité, sa peau semblait encore plus luisante et pour la première fois, je pouvais y toucher. Mon sexe était comme un obélisque érigé et pendant que mon excitation était à son comble, j’oubliai enfin la situation illégale dans laquelle je me trouvais. Faune mon amant m’invitait à le prendre. Prestement, je léchai le chef d’ouvre, des cornes aux sabots, en m’arrêtant longtemps entre ses fesses dures qui m’implorent encore quand j’y pense.
En moins de deux, j’étais complètement nu et la sensation de se retrouver à poil dans un endroit aussi artificiel me fit frémir. Je sentis un courant d’air qui me passa entre les jambes en rafraîchissant mon poil humide. C’était l’âme du faune qui participait à mon plaisir, j’en étais sur, je voulais y croire. Emporté par ma hâte de le faire enfin, je m’installai à califourchon sur lui, appuyant mon sexe chaud contre ses fesses glaciales. En même temps que je me frottais contre le marbre, je réalisai que j’étais en train de concrétiser un de mes plus grands fantasmes. Chevaucher un être moitié adolescent et moitié bouc, c’est quand même quelque chose!
J’avais tellement lubrifié d’excitation que je glissais comme un savon dans une baignoire. Et toujours ce courant d’air, qui surgissait avec force et chaleur, directement sur mon rectum de plus en plus dilaté. À mon grand étonnement, cette délicate caresse aérienne s’accompagna d’un soupir autre que le mien. Paniqué, je compris que je n’étais pas seul. Qui pouvait bien se trouver là? Après tout, je savais bien que l’âme de mon amant figé, n’était que dans ma tête. Par contre, une nouvelle brise plus torride encore me caressa les fesses. En me retournant, je vis un homme, à peine à un mètre derrière moi. Il s’évertuait à souffler sur mon corps, humide de frayeur mais aussi de ravissement. À la forme de sa casquette qui se découpait dans l’obscurité, je devinai que c’était un gardien. Je ne parlai pas, attendant son blâme qui ne vint jamais. Afin que je ne bouge pas, il m’immobilisa au cul cambré de mon faune à l’aide de ses deux mains puissantes. Comme ma sculpture fantasmatique, j’avais maintenant moi aussi, le derrière bien rebondi devant l’employé du musée. En gentil fautif, j’obéis et eu la surprise de ma vie en le voyant se coller plus près de moi et de mon amant pétrifié.
Sans crier garde, il sortit de son pantalon, un énorme sexe déjà braqué. D’un coup sec, il m’enfila sa matraque directement là où il avait soufflé lui-même tout à l’heure pour préparer l’entrée. Sans ressentir de mal, ni de malaise, j’hurlai de ravissement, mais vraiment très fort. Mon cri d’extase se répandit en échos vers les plafonds démesurés.
Pendant que mon gentil agresseur s’en donnait à cour joie, je jouissais comme un fou. Je réalisais que j’étais maintenant coincé entre l’objet de mon fantasme et celui qui avait été la source de ma retenue en me promenant dans ce musée. Avec ses boucles très blondes qui débordaient de sa casquette, je me souvenais maintenant de lui. Il ne m’avait pas lâché des yeux cet après-midi. Il paraissait jaloux que je contemple interminablement cette sculpture qu’il semblait protéger avec autant de vigueur. Ce n’était plus mes yeux qu’il regardait maintenant tout en partageant son trésor avec moi.
Dans un orgasme muséologique parfaitement agencé, nous avons éjaculé en même temps et de toutes nos forces. Moi sur mon faune et lui sur le sien.
Toujours sans mot, il se rhabilla en même temps que moi et ouvrit sa lampe de poche pour me reconduire poliment vers la sortie. Juste avant, il pointa la lumière vers le marbre dégoulinant de sperme. Une dernière fois, je contemplai le délicieux panorama pornographique et compris que j’étais débarqué dans le terrain de jeu personnel d’une autre personne de ma race qui savait vraiment apprécier l’art