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La rescapée

Sarah ouvre les yeux. Il fait nuit, ses parents, son frère et sa sour sont dans leur chambre respective. Et pourtant, elle est certaine d’avoir entendu un bruit provenant du rez-de-chaussée.

Son réveil matin affiche 2h40 a.m.

Encore un bruit. Cette fois, elle bondit sur ses pieds. Elle marche à pas feutré jusqu’à la porte de sa chambre, mais s’arrête lorsqu’elle entend des pas dans l’escalier qui mène à l’étage, là où sont toutes les chambres.

Sarah regarde par la minuscule fente que créer sa porte et le cadrage étant donné qu’elle n’est pas complètement fermée.

Une silhouette sombre se dresse du haut des escaliers.

La jeune femme retient son souffle. L’ombre est trop grande pour être l’un de ses parents. Son sang ne fait qu’un tour.

L’ombre se dirige finalement dans la direction opposé à sa chambre.

Une porte s’ouvre. Sarah suit l’ombre de loin. Elle se dresse légèrement afin de jeter un oil dans la chambre de son frère et lâche un hurlement lorsqu’elle voit dans la pénombre un fusil se pointer vers le lit. Son frère se réveille à peine que l’ombre tire deux bons coups.

Il retombe mollement dans son lit.

L’ombre se tourne alors vers Sarah.

D’autres cris. Ses parents sortent de la chambre. Tout se passe rapidement. Sarah tombe par terre, atteinte d’un projectile. Elle entrevoit ses parents qui tombent un après l’autre. Le bruit des projectiles est infernal.

La jeune sour de Sarah sort la dernière de sa chambre et s’arrête net lorsque le fusil se pointe sur son front.

Elle pleure doucement.

– Bonne nuit ma petite, fait l’ombre d’une voix rauque.

Bang!

C’est maintenant le silence complet. Sarah s’évanouit après avoir entrevue l’ombre marcher sans ménagement entre les corps avant de disparaître.

Une seule respiration dans toute la maison : celle de Sarah.

Michel et Jacinthe regardent par la porte de la chambre d’hôpital et voit leur nièce de seize ans, étendue dans un lit minuscule.

– Elle a eu un violent choc nerveux, fait le médecin en pointant Sarah. C’est la seule survivante de sa famille. Elle s’en est tirée avec une balle dans l’épaule.

Michel et elle sont tristes et horrifiés à la fois.

– J’aimerais savoir comment tout ça s’est passé.

– Vous le saurez probablement bientôt. La police a essayé de faire un rapport, mais Sarah était encore en état de choc.

Tout s’est bousculé depuis que Michel et Jacinthe ont appris la mort de la famille de Sarah. Ils seront en charge de cette dernière, dès le lendemain, lorsqu’elle quittera l’hôpital.

Ils entre donc tous deux dans la pièce. Sarah fixe le mur devant elle.

Jacinthe s’approche lentement et lui prend la main. La jeune femme sursaute. Elle voit sa tante, mais ne sourit pas. Ses yeux sont inexpressifs.

– Comment te sens-tu? Demande-t-elle à sa nièce.

Sarah met un temps fou à répondre. Elle finit par hausser les épaules et répondre avec nonchalance :

– J’ai survécu à un massacre. Alors comment crois-tu que je me sens?

Jacinthe reste sans voix et échange un regard entendu avec Michel.

– Demain midi, tu auras ton congé de l’hôpital et nous irons te chercher. Tu habiteras dorénavant avec nous.

– Non.

– Non? Font les deux en même temps, sans vraiment comprendre.

– Non. Je veux retourner à la maison.

– Mais tu ne peux pas! Ce serait.

– Je m’en moque.

Un autre échange de regard. Puis, sans un mot, Jacinthe et Michel sortent de la chambre, déboussolés. Ils ne comprennent pas son attitude. Elle veut retourner chez-elle! C’est insensé! Surtout avec un meurtrier qui circule encore dans le coin.

Sarah sursaute lorsque le téléphone sur la petite table près d’elle sonne. Elle tend le bras mollement vers le combiné et le presse contre son oreille. C’est probablement son oncle et sa tante qui tentent encore un rapprochement.

Elle se trompe.

Un souffle se fait entendre à l’autre bout du fil, mais personne ne parle.

– Qui est-ce? Lâche Sarah en croyant à une mauvaise plaisanterie.

– Je t’ai raté hier, mais j’ai bien l’intention de terminer mon travail, murmure une voix rauque dans le combiné.

– Ce n’est pas drôle! S’écrit-elle alors.

– Mais je ne plaisante pas, Sarah. Tu n’en as plus pour très longtemps à vivre.

La jeune femme raccroche violemment le combiné et sent son cour battre à un rythme effréné. A-t-elle rêvé de cet appel?

Lorsqu’une infirmière fait la tournée des chambres, Sarah lui parle de l’appel. Mais, elle sent tout de suite un scepticisme de la part de l’infirmière. Elle doit la croire folle.

Un peu plus tard, le médecin qui s’occupe d’elle lui pose quelques questions sur ce qui s’est passé un peu plus tôt.

Sarah lui raconte le court appel. Le médecin se contente de hocher la tête et de prendre ses paramètres vitaux. Lui non plus ne semble pas la croire. Après un pareil choc, elle peut aussi bien inventer cette histoire de toute pièce!

Avant le souper, quelques voisins et amis de la famille lui rendent visite. Elle n’est pas en état de les recevoir, mais se force un peu.

Tous ont eu vent de ce qui s’est passé la veille et y vont de leur commentaires et de leur inquiétude : monsieur et madame Girard, ses voisins de gauche, qui ont alertés les autorités après avoir entendu des coups de feux en pleine nuit, monsieur Martin, son voisin de droit, qui se désole de voir une si belle famille avoir un destin aussi atroce et ses voisins de face, la famille Lefèvre, qui sont craintif à l’idée que le meurtrier ait pu décider de retourner dans le quartier pour faire d’autres victimes.

Sarah discute vaguement avec eux. Elle a encore ce fichu appel en tête. Elle n’a pourtant pas rêvé.

Quelques jours s’écoulent après son séjour à l’hôpital. Sarah demeure chez Jacinthe et Michel et semble légèrement remise de la tragédie. Elle a déjà rencontré un psychologue et devra le rejoindre régulièrement à son bureau. Elle veut même à retourner à l’école. La maison de son oncle et sa tante est relativement près de celle de sa famille, donc ce ne sera pas un problème d’aller à la même école.

Sarah pense encore à l’appel, mais n’en parle à personne, puisqu’elle se demande encore si c’est son imagination qui lui joue des tours.

Le retour à l’école se fait sans problème, si ce n’est de plusieurs regards qui la suivent et l’étudient. Sarah se concentre principalement sur ses cours.

À la fin des cours, elle retourne seule à sa nouvelle maison. Elle n’est pas très loin de l’école: à peine cinq minutes à pied.

Sarah marche lentement, d’autres étudiants la dépassent et lui jettent des regards curieux. Tout le monde sait qui elle est maintenant : la survivante. C’est plutôt ironique, puisqu’elle se sent comme un zombi.

La jeune femme s’aperçoit que plus personne la dépasse. Il n’y a plus d’étudiants derrière, ils sont tous loin devant. Elle tourne la tête pour regarder à nouveau s’il y a des gens derrière, mais aperçoit plutôt une voiture qui avance très lentement. Autant qu’elle.

Sarah fronce les sourcils et décident d’accélérer le pas. Elle entend le moteur de la voiture monter d’un cran. Elle jette de nouveau un oil derrière et constate que le véhicule conserve toujours la même distance. Sarah tente de voir qui est au volant, mais n’y arrive pas.

Elle augmente alors sa cadence à la marche rapide. La voiture accélère aussi.

Sarah sent l’angoisse la prendre aussitôt. On la suit. Elle se met à courir très vite et à son plus grand désarroi, la voiture suit son rythme. La jeune femme coupe alors entre deux propriétés.

Elle circule parmi quelques terrains exemptent de clôtures et débouche une rue plus loin. La maison de Jacinthe et Michel n’est plus très loin. Elle court encore et arrive enfin à l’entrée de la maison. Elle tourne la tête et aperçoit la voiture de son poursuivant qui emprunte la rue. Sarah entre dans la maison sans plus attendre.

Elle s’appuie contre la porte et pousse un soupir de soulagement.

Le détective chargé de l’enquête de la mort de sa famille ne semble pas la croire. Elle en est certaine. Il fait des " oui " et des " hum-hum " à l’autre bout du fil et lui dit de le tenir au courant s’il survient autre chose.

Personne ne la croit.

Jacinthe sort du bureau du psychologue qui s’occupe de Sarah. Elle termine à l’instant un entretient avec lui. Le psy est au courant d’un appel anonyme que Sarah aurait reçu à l’hôpital, de même que de l’épisode de la filature, lors de son retour de l’école.

– Sarah a eu un violent choc nerveux en étant témoin du meurtre de sa famille. Il est possible qu’elle se sente encore en danger, étant donné qu’elle est la seule survivante de cette nuit là. De ce fait, il se peut qu’elle imagine des appels, des poursuites du même individu qui a tué sa famille.

– Et si elle disait vrai? A lâché Jacinthe au psy.

– Les chances sont bien mince. Son cas est plutôt classique, malheureusement.

Jacinthe est sceptique compte tenu du fait qu’au départ, Sarah a tenu mordicus à retourner à sa maison, malgré ce qui s’est produit plus tôt.

Elle retourne donc à sa demeure et est surprise en constatant que Sarah n’y est pas.

Sarah se tient face à sa maison, celle-ci est entourée de papier jaune indiquant : passage interdit. L’enquête n’est pas terminée. Malgré tout, elle décide d’entrer. Elle se rend dans chaque pièce et va ensuite à l’étage.

Il est difficile de rester de marbre alors que tous ses mauvais souvenirs refont surface. Elle pleure doucement.

– Sarah?

Elle sursaute et tourne vivement la tête. Elle se calme aussitôt. C’est son voisin, monsieur Martin. Sa mine est inquiète.

– Sarah, que fais-tu ici pour l’amour?

– Il fallait que je revienne.

Monsieur Martin s’avance un peu et la prend par l’épaule.

– Pauvre petite, ce n’est pas évident tout ça. Allons, partons d’ici.

Sarah considère son voisin du regard, mais ne dit rien. Elle le suit dans l’escalier, docile.

" Bonne nuit ma petite. "

C’est la seule chose que le meurtrier ait dit à sa sour avant de la tuer.

" Pauvre petite. " Voilà ce que lui dit maintenant son voisin.

Au rez-de-chaussée, Sarah constate à quel point monsieur Martin est grand. Elle n’avait jamais remarqué à ce détail.

Son cour se serre. Non, il ne faut pas penser comme ça.

S’apercevant qu’elle ne le suit plus, l’homme s’arrête lui aussi. Sarah le fixe sans démordre.

Il sourit.

– Je savais que tu saurais. C’est pour ça que j’ai décidé que tu rejoindrais ta famille.

Sarah ne réalise pas sur le coup ce qu’il vient de dire. Monsieur Martin sort un fusil de sa poche.

– Je savais que tu me reconnaîtrais. Ce n’était qu’une question de temps. J’ai voulu t’effrayer un peu avant d’en finir.

Ainsi, ce n’était pas son imagination. Personne ne la cru, mais c’était pourtant vrai.

– Pourquoi? Fait la jeune femme d’une voix faible.

– Parce que ta famille et toi étiez l’exemple de la perfection et que moi j’ai tout perdu, ma femme, ma fille. Je vous ai toujours détesté.

Sarah ferme les yeux lorsque monsieur Martin pointe le fusil dans sa direction. Un coup de feu retentit.

– Je suis malheureusement arrivé trop tard, dit tristement le détective à Jacinthe et Michel. J’ai tiré sur monsieur Martin en même temps qu’il tirait sur Sarah. C’est un hasard que je sois allé à cette maison précisément à ce moment.

Le détective fait une pause, puis reprend :

– En faisant des recherches, j’ai su que ce fameux monsieur Martin a été témoin de la mort de sa femme et de sa fille il y a quelques années. Étrange coïncidence, non?