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L’ACERBE LEÇON

L’Homme est un animal social. Il éprouve un profond sentiment d’appartenance à l’égard de ses semblables. Son instinct le pousse à valoriser un trait distinctif de sa personne qui, d’une part, le lie à ses congénères et, d’autre part, les différencie ensemble de leurs rivaux. De la famille à la nation, en passant par le clan et la tribu, le nombre d’individus que regroupe une communauté évolue en fonction de leur niveau de développement économique et du succès démographique qui en résulte. Le législateur éclairé reconnaîtra l’importance que les humains accordent à leurs particularités car toute tentative de bâtir un pays sans tenir compte de la spécificité de ses habitants se solderait de façon inéluctable par un échec retentissant.

Il existe deux types de nationalisme. Le premier, caractérisé par un délire de persécution collectif, se manifeste dès qu’une population homogène se trouve en situation minoritaire à l’intérieur d’une vaste structure étatique. L’élargissement des frontières politiques entraîne un rétrécissement de l’identité nationale. Le second, attisé par une ardente ferveur patriotique, survient lorsqu’une ligne de démarcation juridique divise de manière arbitraire l’étendue géographique occupé par un groupe culturel quelconque. Le fractionnement de l’espace national alimente les rêves de grandeur des conquérants en herbe.

Le vingtième siècle fut le théâtre d’un conflit idéologique opposant les républiques aux entités de nature fédérale; c’est-à-dire, un affrontement mettant aux prises une vision philosophique où le peuple souverain exerce le pouvoir à travers un gouvernement légitime, et une conception de la souveraineté définie par la capacité d’un État à asseoir son autorité sur un territoire délimité à cette fin. Tandis que la démocratie représente le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, les fédérations multiethniques, quant à elles, ne constituent que les vestiges d’un impérialisme aujourd’hui désuet.

Seule une paire de scénarios diplomatiques parviennent à justifier un mariage de raison entre sociétés distinctes; à savoir : la formation permanente d’une alliance défensive afin de se prémunir contre les agressions d’un adversaire mutuel, ou bien, l’érection ponctuelle d’une coalition offensive dans le but d’assaillir un ennemi commun. Aux partisans de l’union envisagée incombe la tâche de désigner la cible de leurs machinations et d’expliquer l’objectif stratégique de la combinaison des forces qu’ils préconisent.

Si l’homo sapiens tolère la présence d’étrangers dans son environnement quand abondent les ressources nécessaires à sa subsistance, une pénurie de vivres l’incite, au contraire, à débarrasser son voisinage de compétiteurs encombrants. Rien de plus efficace que la misère pour ternir le lustre de la civilité. Un effondrement aussi subite que malencontreux de l’ordre établi risque de laisser libre cours à toutes les inimitiés. Nul ne ressemble davantage à un barbare qu’un citoyen en uniforme d’anarchiste. L’Histoire nous enseigne que les luttes fratricides s’avèrent fréquemment les plus meurtrières; partout les victimes de la balkanisation jonchent le sol des provinces récalcitrantes. Par conséquent, mieux vaut séparer les antagonistes par mesure préventive que s’escrimer à départager les belligérants une fois les hostilités déclenchées.