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Le rideau

C’était un soir d’été d’une chaleur humide, presque vulgaire. Je m’étais accoudé au bord de la fenêtre de mon salon, pour mieux apercevoir les éclairs qui fusaient dans le ciel violacé. L’atmosphère était électrisante, et la puissance du tonnerre promettait tout un spectacle. Cependant, ce soir-là, j’assistai à une scène tout autre. Du haut de mon deuxième étage, j’aperçus une lueur naître d’une fenêtre, tout en bas de l’édifice d’à côté. J’y posai un regard bref et désintéressé, tout comme je le faisais au passage d’un piéton sur le trottoir. Puis, mon regard s’y reposa tout naturellement, car bien qu’une lumière vînt de s’y allumer, la fenêtre était demeurée sombre et cela semblait peu naturel. C’est alors que je me rendis compte que le store était tiré; un store fait de petites branches de bambou assombrissait en effet le cadre. Cependant, il était parfaitement aisé de voir à travers les branches, la lumière de la pièce agissant comme projecteur. J’en étais encore à me questionner sur la nature de ce store quand un mouvement derrière celui-ci fit changer la profondeur de mon regard. Une jeune femme, à peine sortie de l’adolescence, se trouvait dans la pièce, qui, je devais m’en rendre compte plus tard, était sa chambre. La jeune femme ne portait qu’une petite culotte rose. Malgré une certaine pudeur grandissante en moi, je n’osai détourner mon regard d’elle. Elle avait de petits seins ronds et fermes, aussi appétissants que deux pommes sucrées. Ses mamelons étaient dressés malgré la chaleur étouffante, comme surpris d’une fraîcheur longtemps dérobée. La jeune inconnue avait déjà retiré une camisole de l’armoire et l’enfilait, non à la hâte mais avec une efficacité du quotidien. Puis elle sortit du cadre qui m’était exposé. Un éclair retentit et la fenêtre d’obscurcit pour de bon. La scène m’avait laissé une érection énorme et le souffle court. Une certaine culpabilité aussi mais par-dessus tout, une curiosité perverse. Un secret extraordinaire venait de m’être dévoilé. À cet instant, je me sentit l’homme le plus privilégié au monde, comme touché d’une grâce divine. J’avais eu droit, moi, et seulement moi, au spectacle déroutant de la nudité d’une jeune femme, beaucoup plus jeune que moi d’ailleurs et de laquelle je n’aurais même jamais osé approcher. Sans y avoir songé, j’avais empoigné mon membre et commencé à le caresser. Les yeux fixés sur la fenêtre du bas, j’imaginais encore cette poitrine délicate, ce corps pâle et frais. Ma virilité, demeurée inactive pendant plusieurs mois, ne fut pas longue à satisfaire, mais mon orgasme, lui, fut particulièrement intense. Je me mis au lit tôt ce soir-là, rêvant encore de mon nouveau secret, avec une semi-érection persévérante. Je finis par m’assoupir en me demandant où se trouvait donc ces jumelles reçues en cadeau il y a trois ans?

Le lendemain, je me perchai à ma fenêtre avec des intentions coupables, vers les mêmes heures que la veille. J’espérai durant trois quarts d’heure puis ouvris la télé, histoire de me désennuyer. Je tombais de sommeil quand je renonçai. Peut-être était-elle sortie pour la nuit. Le lendemain encore, j’étais obsédé par ce que j’avais vu, je me masturbai même dans la douche ce matin-là. Le soir venu, je scrutais la fenêtre d’en face à coups d’oil furtifs depuis la tombée de la nuit quand la lumière de la chambre, en s’allumant, me donna le vertige de tant d’excitation. Je vis l’objet de mon fantasme apparaître, tout habillée cette fois. Armé des jumelles que j’avais installées près de ma fenêtre, je pus la voir de plus près. Un jeune homme l’accompagnait. Son copain, me sembla-t-il. Tous deux s’embrassèrent, puis disparurent lentement de ma vue. La lumière resta allumée, cependant. Mon excitation s’amplifia à l’idée qu’ils se soient couchés sur le lit. Peut-être arriverai-je à la voir, elle, se relevant, nue, après l’amour. J’attendis donc, effleurant de ma main mon membre impatient tendu entre mes jambes. Puis, inopinément, le couple revint dans mon champ de vision. La jeune femme poussa son copain contre le mur qui faisait face à la fenêtre et, embrassant son tronc de plus en plus bas, se mit à genou, dos à moi. La vue imprenable que j’eus me coupa le souffle. Deux superbes cuisses, tendues sous l’effort, surplombées de petites fesses rondes et roses me faisaient face. Et juste au milieu du V formé par les jambes écartées, un sexe juteux, chaud, comme avide qu’on le remplisse, me narguait en se balançant. Le dos arqué de la fille dévoilait à mon regard sa fleur, et je m’imaginai y plonger là, sur le plancher, pendant qu’elle continuerait à enfouir le sexe de l’autre dans sa gorge. J’eus envie qu’elle me suce à mon tour, que ses lèvres chaudes enrobent mon sexe comme elles enrobaient celui-là, qu’elle tire tout mon sang dans ce seul bout de chair. Quand le jeune homme fit tourner sa partenaire et qu’il s’agenouilla derrière elle, je sus que nous nous comprenions. Comme j’aurais aimé être à sa place. La jeune femme se mit docilement à quatre pattes, m’offrant sans le savoir le spectacle de ses seins pointés vers le sol. Prenant à deux mains le bassin de la fille, l’autre se glissa dans ses profondeurs avec une douceur infinie, puis se retira pour s’y glisser encore, cette fois brutalement. Quelques va-et-vient suivirent. Le type lâcha le bassin pour caresser d’une main les mamelons durs de la jeune femme, qui sembla y prendre un grand plaisir. Celle-ci entreprit alors de stimuler son bouton de rose, que j’imaginais gonflé à travers les replis ornés d’une seule ligne de poil, et se pencha davantage. Peu après, alors qu’elle tremblait (ou était-ce moi?), tous ses muscles se contractèrent, je vis passer sur son visage l’expression pénible de la délivrance du plaisir ultime. Son partenaire accéléra la cadence et, en même temps que moi, relâcha l’essence de sa joie en un orgasme puissant. Tous deux s’étendirent sur le lit, sans doute, car je ne les vis plus. Béat mais exténué, je m’assoupis sur le divan.

Ce jour-là, j’avais prévu de dîner avec un ami, que je devais rencontrer dans un restaurant non loin de ma résidence. J’y allai à pied. Au retour, passant devant l’immeuble attenant au mien, je la vis sortir de sa voiture, chargée de paquets. Je ne pus m’empêcher de lui adresser un grand sourire qu’elle me renvoya timidement, sans comprendre. Mon sourire s’évanouit bien vite toutefois quand je vis, dépassant d’un des sacs, une longue barre de bois. Une tringle! Une tringle à rideau!